ISSN 2271-1813

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Etre dix-huitiémiste

Publié par Sergueï Karp

ISBN 978-2-84559-022-9, 2003, 240 x 165 mm, viii + 291 pages, 13 illustrations, broché, prix €20

Publications du Centre international d'étude du XVIIIe siècle 14

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On doit l'idée initiale de cet ouvrage à Georges Duby. L'éminent médiéviste a visité deux fois la Russie, en 1989 et en 1993. Au cours de son premier voyage, il avait fait une conférence à l'Institut d'histoire universelle sur l'école historique française et avait exposé quelques-unes des considérations publiées plus tard dans son essai autobiographique L'Histoire continue. Le sujet avait paru immensément vaste à bon nombre de ses auditeurs. Cependant, l'exposé de Duby ne fit que confirmer que l'historien qui relate sa vie, évoque ses professeurs, ses élèves, ses collègues et certains problèmes professionnels, aborde inévitablement des questions plus générales, liées non seulement à l'évolution de l'école historique de son pays, mais aussi au fondement même de sa profession. En outre, il les découvre «de l'intérieur», ce qui donne encore plus de valeur au contact personnel avec lui. Je savais par expérience que de libres entretiens avec un Maître dans un contexte favorable pouvaient jouer le rôle d'une véritable initiation, mais j'avais considéré pendant longtemps que les conversations privées en tête à tête étaient la seule forme possible d'un tel échange. Cependant, grâce à Duby, j'ai compris qu'un dialogue ouvert avec précurseurs et émules constitue l'une des bases de notre profession et qu'il peut être public. Daniel Roche, par exemple, l'érige en devoir: «Susciter ce dialogue me paraît être la fonction principale des professeurs, des aînés, des maîtres. Le refuser pour des raisons diverses me paraît ruiner le fondement même de notre métier».

Il est évidemment plus facile de déclarer la nécessité d'un tel dialogue que de le mettre en pratique. Les individus qui parlent volontiers d'eux-mêmes et y prennent plaisir n'inspirent pas toujours confiance. En revanche, il est souvent difficile de convaincre ceux dont le parcours personnel et professionnel est réellement important pour nous, de venir en faire part devant un vaste auditoire: une longue habitude de réclusion, de solitude – compagnon inévitable, mais fidèle de l'homme qui réfléchit, y fait généralement obstacle. Parfois, derrière la fausse modestie se cache un excès d'orgueil qui ne favorise pas non plus un entretien confidentiel. Enfin, rares sont ceux qui atteignent ce niveau suprême où sincérité et publicité se combinent avec simplicité et naturel.

Selon l'exemple de Duby, je me suis mis à envisager un ouvrage qui réunirait des considérations autobiographiques et méthodologiques de savants de l'ancienne génération parmi les plus marquants et les plus représentatifs, connus pour leurs travaux dans ce domaine des connaissances qui m'est particulièrement proche – le XVIIIe siècle européen et français en particulier, la Russie et l'Occident à l'époque des Lumières. Une expérience de ces «mémoires collectifs» a déjà été tentée: en juillet 1995, à Munster, dans le cadre du IXe Congrès international des Lumières, Jochen Schlobach et Michel Delon avaient organisé une «table ronde» consacrée aux spécificités de l'étude des Lumières dans différents pays au cours des cinquante dernières années; y avaient participé d'honorables maîtres (Paolo Alatri, Rudolf Vierhaus, Jacques Proust, Jean Ehrard, Jean Sgard, Hisayasu Nakagawa, Robert Darnton) ainsi que de très jeunes gens. Cette «table ronde» avait suscité un vif intérêt, plus d'une centaine d'auditeurs fort motivés y avaient assisté, et les actes en avaient été publiés. Je n'ai cessé mentalement d'élargir le cercle des participants à cette rencontre en imaginant que d'autres auteurs viennent partager leurs souvenirs, qu'ils pourraient exposer largement. Il est devenu possible de réaliser ce rêve, d'abord grâce aux treize remarquables savants, – historiens, historiens de la littérature, philologues, linguistes – qui ont aimablement accepté de participer à cet ouvrage. Il s'agit de personnalités très diverses, vivant dans des pays différents. Chacun a choisi librement le volume et la forme du texte qui correspondaient le mieux à son tempérament et aux conditions actuelles de sa vie – du court essai à l'article développé dans le style de «l'autobiographie intellectuelle» bien connue en Occident (en France particulièrement), de l'exposé détaillé de ses propres travaux à l'interview ou à l'entretien sur des thèmes plus larges. Je ne veux pas anticiper, mais je noterai simplement que même dans les notices les plus laconiques, rédigées par les patriarches, Georges May et Jean Starobinski, des réflexions sur le rôle joué par les impressions de l'enfance dans leur engouement pour le XVIIIe siècle ont pu trouver leur place. En effet, en dépit de toutes leurs différences de méthodologie, de style et autres, ces auteurs ont pour point commun le fait d'avoir consacré leur vie (ou du moins une bonne partie de celle-ci) à l'étude du XVIIIe siècle, et d'avoir considérablement contribué à orienter les recherches dans ce domaine durant la deuxième moitié du XXe siècle.

À l'exception de l'interview de Robert Darnton, toutes les contributions proposées à l'attention des lecteurs ont été rédigées spécialement pour ce recueil. L'ordre de présentation des articles est déterminé de façon purement formelle d'après la date de naissance des auteurs.

En Russie, cet ouvrage a paru en 2001 avec le soutien de Maurice Aymard, administrateur de la Maison des Sciences de l'Homme à Paris, et d'Anne Duruflé, attachée culturelle de l'ambassade de France à Moscou.

Table des matières

   Sergueï Karp, Comment ce livre a été conçu

   Georges May, Être dix-huitiémiste

   Jean Starobinski, La croisée des chemins

   Roland Mortier, Autobiographie intellectuelle

   Gunnar von Proschwitz, Souvenirs d'un dix-huitiémiste suédois

   Jean Ehrard, Histoire d'un historien

   Jean Sgard, Demi-siècle d'un dix-huitiémiste

   Hisayasu Nakagawa, Trois autoportraits d'un dix-huitiémiste japonais

   Pierre Rétat, Confessions d'un dix-huitiémiste

   David Smith, From green fields to the olive grove

   Jeroom Vercruysse, Ce n'est pas seulement la faute à Voltaire...

   Giuseppe Ricuperati, Un parcours intellectuel et historiographique

   Entretien avec Boris Ouspenski, La Russie et l'Occident au XVIIIe siècle

   An interview with Robert Darnton, History, anthropology and journalism

   Index des noms de personnes

 

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