ISSN 2271-1813

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Dictionnaire de la presse française pendant la Révolution 1789-1799

C O M M A N D E R

   

Dictionnaire des journaux 1600-1789, sous la direction de Jean Sgard, Paris, Universitas, 1991: notice 21

AFFICHES DU DAUPHINÉ (1774-1792)

1Titres Affiches, annonces et avis divers du Dauphiné.

Devient le 2 mai 1777: Affiches du Dauphiné, Annonces, etc.; puis le 30 décembre 1790: Affiches de la ci-devant province de Dauphiné, annonces, etc.; et le 29 avril 1792: Affiches, annonces, etc. de Grenoble et des départements de l'Isère, de la Drôme, des Hautes-Alpes et autres.

2Dates Vendredi 6 mai 1774 - mardi 17 juillet 1792. Dix volumes. Date de privilège inconnue: le journal paraît d'abord avec la mention: «Permis d'imprimer et de distribuer», puis, à partir du 17 novembre 1775, avec la mention: «Avec privilège et permission».

Périodicité hebdomadaire jusqu'au 6 août 1792; bihebdomadaire du 6 août au 23 novembre 1789, trihebdomadaire ensuite.

3Description Les feuilles sont numérotées du 1er mai (nº 1) au 30 avril de l'année suivante. La collection de Grenoble est composée comme suit: t. I, 6 mai 1774 - 25 avril 1777; t. II, 2 mai 1777 - 30 avril 1779; t. III, 7 mai 1779 - 27 avril 1781; t. IV, 4 mai 1781 - 25 avril 1783; t. V, 2 mai 1783 - 2 avril 1786; t. VI, 5 mai 1786 - 25 avril 1788; t. VII, 2 mai 1788 - 31 déc. 1789; t. VIII, 2 janv. 1790 - 28 déc. 1790; t. IX, 2 janv. 1791 - 29 déc. 1791; t. X, 1 janv. 1792 - 17 juil. 1792.

Volumes de 654 p. (I), 324 p. (II), 420 p. (III), 424 p. (IV), 681 p. (V), 457 p. (VI), 617 p. (VII), 734 p. (VIII), 966 p. (IX), 556 p. (X).

Cahiers de dimensions variables, le plus souvent de 4 p. in-4º, 210 x 273.

4Publication Grenoble, chez la veuve Giroud, imprimeur-libraire; au Bureau des Affiches et au Palais (Place Saint-André). Chez la veuve Giroud et fils (Jean-Louis-Antoine et Alexandre-Jean), à partir de 1782.

La souscription se fait dans les bureaux de poste de Vienne, Valence, Die, Romans, Crest, Montélimar, Orange, Saint-Marcellin, Bourgoin, La Côte-Saint-André, Briançon, Mondauphin, Embrun, Gap, Veynes et Serres.

Elle est de 6 # à Grenoble et de 7 # 10 s. jusqu'à la fin de 1787, puis de 7 # 16 s. et 9 # jusqu'en mai 1790; de 10 # 16 s. et de 15 # jusqu'en mai 1791; de 15 # 12 s. et de 20 # jusqu'au milieu de 1792; de 22 # jusqu'à la fin de 1792.

5Collaborateurs Justine GIROUD, née SOUVERAN (?-1798).

Collaborateurs réguliers: Dominique Villars, botaniste; Jean-François Nicolas, médecin; C. Giroud, chirurgien; Bilon, chirurgien. Collaborateurs occasionnels: Héraud, médecin; Dumas, chirurgien; Nicolas de Meissas, médecin; Calvet, «médecin et célèbre antiquaire à Avignon»; J. Bertier, «de l'Oratoire», etc. Au total plus de quarante noms parmi lesquels ceux de nombreux médecins, avocats, membres de sociétés savantes, curés (pour les nouvelles locales).

6Contenu «Tout citoyen pourra faire part de ses observations sur les choses intéressantes ou curieuses et nous nous hâterons de les publier. Les dissensions qui agitent le Barreau, les causes d'éclat qui s'y plaident, la jurisprudence qui se fixe et s'établit sur des points controversés, les règlements qui tiennent à l'ordre public; la médecine, le commerce, les manufactures, l'agriculture, et les découvertes [...], les arts, les sciences, tout ce qui peut être d'une utilité générale ne sera pas négligé. Beaucoup d'hommes solitaires ou retirés à la campagne ou placés aux extrémités de la province, reviendront en quelque sorte dans le centre et connaîtront l'histoire de leur pays».

Premières rubriques: Conservation des hypothèques, ventes, locations, «demandes particulières», arrêts du Parlement, jurisprudence, prix des grains, lettres de correspondants; puis, après quelques mois, ouvrages nouveaux, médecine, histoire naturelle, «vétérinaire», botanique, agriculture, économie, remèdes, «avis économiques», anecdotes, «bienfaisance publique», établissements utiles, poésie, vers, énigmes, impromptus, romances.

Principaux centres d'intérêt: 1) Vie locale. Catastrophes, épizooties, faits divers, bandes de voleurs et de contrebandiers (mai, sept. 1774), monstres; activités du Parlement; émeutes (sept. 1785, juin 1788); démographie, météorologie; demandes d'emploi et publicité (librairies, «maisons d'éducation», drogues merveilleuses); découvertes (fossiles, eaux thermales, archéologie, manuscrits anciens). 2) Décisions officielles, édits, arrêts, mandements épiscopaux, législation, réglementation, causes célèbres. 3) Culture: livres vendus à Grenoble; souscriptions pour les journaux; théâtre (Humbert II en mars 1775, Le Roi Lear de Ducis en janv.-févr. 1783; Le Barbier de Séville, Zaïre, Le Glorieux, joués par la «jeunesse de Gap et d'Embrun» en févr. 1777, janv. 1778 et janv. 1779); musique («ouverture du concert établi à Grenoble» en nov.-déc. 1785); fondations (bibliothèques publiques de Grenoble, mai 1774, déc. 1775, nov. 1777, janv. 1781, mars et mai 1787, janv. 1788, et de Valence, oct. 1776; cabinet d'histoire naturelle, mars 1775, juin 1776). 4) Anecdotes morales, traits de «courage», «d'humanité», «de désintéressement et de vertu», de «fidélité conjugale», etc. 5) Sciences: surtout l'histoire naturelle, mais parfois la physique, la chimie, les mathématiques. 6) Techniques: médecine, agronomie, mécanique (machines nouvelles), aérostation (juil.-déc. 1783, janv.-mars et juin-juil. 1784). 7) Initiatives utiles: cours d'accouchement, de chirurgie, de «traitement magnétique»; sociétés savantes.

Principaux auteurs étudiés: Voltaire (son séjour à Paris en 1778), Rousseau (texte autobiographique sur sa misère, août 1778), Dorat, Condillac (notice nécrologique, 1780), Rétif de La Bretonne, Léonard, Mme de Genlis, Necker, La Cépède, Daubenton, Rozier, Gardanne, Vaucanson (notice en 1782), etc.

Table des matières alphabétique commençant au mois de mai de chaque année, la première en mai 1775, la dernière en mai 1787.

7Exemplaires B.M. Grenoble, JD 34 (nº 1 manque); A.D. Isère, Pér. 10 (coll. lacunaire); B.N., 4º Lc9 68 (6).

8Bibliographie Rousset H., La Presse à Grenoble de 1700 à 1900, Grenoble, Graner, 1900. – Ledré Ch., Histoire de la Presse, Fayard, 1958. – Bois M.F., «Un périodique à Grenoble à la fin du dix-huitième siècle, les Affiches du Dauphiné», T.E.R. dact., histoire, A.D. Isère, 1978. – Fontaine M., «La vie sociale et culturelle dauphinoise de 1774 à 1778 d'après les Affiches du Dauphiné», T.E.R. dact., litt. fr., B.U. Grenoble, 1980 (travail largement utilisé dans la présente notice). – Potié C., «Les faits divers dans les Affiches du Dauphiné. Mai 1774 - mai 1777. Mai 1786 - mai 1790», T.E.R. dact., litt. fr., B.U. Grenoble, 1983.

Historique Fondées par Justine Souveran, veuve d'André Giroud, qui tint commerce de librairie à Grenoble au Palais puis Place aux Herbes de 1767 à 1798 (Maignien, L'Imprimerie, les imprimeurs et les libraires à Grenoble du XVe au XVIIIe siècle, Grenoble, 1885; DP2, art. «Giroud») et fut «libraire du Parlement» à partir de 1782, les Affiches du Dauphiné parurent pendant dix-huit ans, de 1774 à 1792 sous différents titres. Le dernier titre: Affiches de Grenoble, des départements de l'Isère, de la Drôme, des Hautes-Alpes et autres, désigne exactement le territoire couvert par ce journal. Tout en recevant des contributions de lecteurs lyonnais ou plus lointains (Lorraine, Normandie), il n'avait pas de relations avec des régions comme la Savoie, le Vivarais ou le Forez, alors qu'il comptait des abonnés dans la haute vallée de la Durance et peut-être même en Provence. Le privilège ne fut acquis par la veuve Giroud qu'en novembre 1775, mais d'emblée, l'entreprise semble avoir été fondée sur un solide réseau de distribution (voir nº 1). Divers modes de vente furent bientôt prévus: souscription pour six mois (nov. 1775), vente par volumes tous les quinze jours (23 juin 1775), ou par volume annuel (Avis de sept. 1782).

Les Affiches étaient destinées, selon une expression de Montaigne, à faciliter le «commerce public». Si l'on en juge par le nombre de lettres de lecteurs, on peut penser qu'elles ont été considérées par l'élite dauphinoise comme un excellent moyen de communication. Directement liées au commerce de J. Giroud, elles assurèrent bientôt la diffusion des livres nouveaux et des nombreux périodiques dont elles faisaient l'annonce et souvent la souscription: Gazette de France, Courrier d'Avignon, Journal des Dames, Journal de politique et de littérature, Journal de Genève, Affiches de Meaux, Journal de Monsieur, L'Ami des enfants, Journal de médecine, etc. Les emprunts des Affiches du Dauphiné à d'autres journaux commencent dès juin-août 1774 (Gazette de littérature), se développent au cours des années suivantes (Affiches de Paris, Affiches de Lorraine, Gazette de commerce et d'agriculture) et se multiplient après 1780 (Journal de Genève, Journal breton, «Affiches littéraires de Paris pour la province», Affiches de Marseille, Journal de Paris, Affiches d'Orléans, Affiches du Poitou, Affiches de Metz, Affiches de Picardie, Gazette de santé, Journal encyclopédique, Journal des causes célèbres, etc.)

Les affiches étaient rédigées par des médecins, des hommes de loi, des religieux, autant de «citoyens éclairés et zélés pour le bien public (nº 1), souvent membres de sociétés de pensée ou de bienfaisance. Ce n'est pas par hasard que le premier numéro contient un avis sur la bibliothèque publique de Grenoble qui venait de s'ouvrir. Le «patriotisme» local se confond avec une foi ardente dans l'avenir de la nation. Les abonnés évoquent «le feu de l'émulation qui brûle dans les âmes des jeunes Dauphinois» (19 avril 1776). On propose de tous côtés des moyens de diffuser les connaissances, de développer l'industrie et surtout l'agronomie, de bannir la mendicité en fournissant des emplois aux «travailleurs» et à la «classe indigente» (9 juin 1775, 3 mars 1781). «Bienfaisance est le mot de ralliement entre tous les Français; tous les cœurs sont échauffés par le patriotisme. Nos compatriotes sortent enfin de l'espèce de léthargie où ils étaient à l'égard des lettres et des arts» (13 oct. 1775). On déplore la misère des «gens de peine» (17 mars 1775), «l'état de torpeur où la misère les retient» (10 mars 1775). On semble croire pourtant à une ère «d'harmonie»; on fait confiance aux seigneurs, aimés de «tous leurs vassaux» (23 sept. 1785), à l'intendant de la province (19 déc. 1777), à «nos seigneurs du Parlement» défenseurs des «peuples» contre les «monopoleurs» (arrêts du 23 mars et du 26 août 1774).

En ce qui concerne la littérature, les choix opérés par les Affiches sont aussi significatifs: la foi toute pragmatique qu'on voue à l'éducation où un certain esprit de tolérance à l'égard des protestants ne vont pas jusqu'à prendre en compte les grandes thèses des «philosophes». Il arrive au journal de prêter ses colonnes à l'archevêque de Vienne, Lefranc de Pompignan, lorsqu'il tonne contre J.J. Rousseau (août-sept. 1781), à l'avocat général Savoye-Rollin quand il s'en prend à la «prétendue philosophie», «masque de l'intérêt personnel» (30 nov. 1781).

Une nouvelle époque devait s'ouvrir dans le courant de 1788. Les Affiches s'efforcent, timidement d'abord, de relater les faits qui transforment le Dauphiné en «berceau de la Révolution»: l'émeute «effroyable» (20 juil. 1788), l'assemblée de Vizille (21 juil.), l'assemblée des trois Ordres (3 oct.), les préparatifs pour le retour du Parlement, le retour lui-même, célébré dans des comptes rendus enthousiastes (17, 24, 31 oct., 7, 14, 28 nov., 5 déc.), etc. En raison du volume des informations, le journal devient bihebdomadaire le 6 août 1789, tri-hebdomadaire moins de quatre mois plus tard. Il lui faut en même temps rendre compte des événements parisiens, d'où un afflux d'extraits de journaux parisiens (Journal de Paris, Gazette universelle, Journal des débats, Journal du Parlement, Patriote français, etc.). Le numéro du 17 juillet 1792 se clôt brusquement par un «Avis à nos souscripteurs»: «Nous les prévenons que nous suspendons nos feuilles; lorsque nous les reprendrons, nous les en préviendrons et nous tiendrons compte de l'interruption». Face aux bourrasques révolutionnaires, il n'était plus possible de garder l'esprit des premières Affiches, dont les rédacteurs aimaient à souligner «le ton de franchise et de modération» (27 oct. 1775).

Michèle FONTAINE et Michel GILOT

 


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