ISSN 2271-1813

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Le Mirage russe au XVIIIe siècle

Textes publiés par Sergueï Karp et Larry Wolff

ISBN 978-2-84559-012-0, 2001, 240 x 165 mm, 264 pages, 5 illustrations, broché, prix €30

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Chaque pays engendre ses mythes. Parmi les nombreux mythes russes, celui d'une transformation rapide et miraculeuse de la périphérie arriérée de l'Europe en pays dynamique, symbole du progrès et exemple à suivre, grâce aux efforts de dirigeants éclairés, est très connu au XXe siècle. Cependant, il est vieux de 300 ans et remonte à l'époque de Pierre le Grand. C'est en effet au début du règne de ce prince que la «Grande ambassade» moscovite de 1697-1698 fut investie de fonctions publicitaires pour diffuser une nouvelle image de la Russie, image positive d'un pays qui entamait un passage rapide et décisif d'un passé sombre à un avenir radieux. Au siècle des Lumières les philosophes français ont beaucoup favorisé l'expansion de ce mythe.

Le mythe avait deux fonctions différentes, l'une à l'étranger, l'autre à l'intérieur du pays. Celle «extérieure» est bien décrite par Dimitri Mohrenschildt et Albert Lortholary: en France l'image de la Russie progressiste fut exploitée pour aiguiser les critiques de l'Ancien régime. En Russie le même mythe visait un but diamétralement opposé et servait de base idéologique au pouvoir autocratique. Il est devenu une partie intégrante de la mythologie étatique russe qui, d'après Victor Jivov, assurait le lien entre la culture (civile aussi bien que religieuse) et l'Etat même.

La conjoncture politique donnait du relief aux études scientifiques de ce phénomène. L'oeuvre de Mohrenshildt (1936) fut sans doute une réaction aux événements récents en Russie et à l'enthousiasme démesuré des intellectuels occidentaux, surtout français, devant l'URSS. Lortholary a partagé cette allergie qui s'est aggravée au début de la «guerre froide». Le livre de Larry Wolff a paru dans des circonstances beaucoup plus favorables aux relations entre l'Est et l'Ouest. Cependant les approches des auteurs différents ont en commun le fait que le «mirage» sert non seulement de point de départ à leurs recherches, mais en définit aussi les limites. De façon générale, ils le considèrent comme le fruit de l'ignorance des philosophes, de leur méconnaissance involontaire ou préméditée de la Russie, ou bien comme un aspect de la politique extérieure antifrançaise de l'impératrice et de ses jeux avec l'opinion publique. Pourtant, on oublie parfois ou on ne veut pas se rappeler que le gouvernement russe au XVIIIe siècle a non seulement parlé des réformes, mais il les a initié réellement et les a pratiqué dans l'administration et la législation, aussi bien que dans l'instruction publique et les affaires ecclésiastiques. Cette activité de l'absolutisme russe s'est appuyée dans une certaine mesure sur l'expérience occidentale. On peut toujours considérer que ces efforts ne visaient pas la modernisation institutionnelle, mais il est impossible de nier leur réalité et leur importance, même relative: les changements que la Russie a connu au XVIIIe siècle furent considérés par beaucoup de contemporains comme brusques et même très rapides. Autrement, le «mirage russe» n'aurait pas existé.

Nous avons essayé de moderniser son interprétation traditionnelle, de l'inscrire dans un contexte plus large et en même temps plus concret, en particulier chronologique.

Table des matières

   Sergueï Karp, Introduction

   Christiane et Michel Mervaud, Le Pierre le Grand et la Russie de Voltaire: histoire ou mirage?

   Anthony Anemone, Les monstres de Pierre le Grand: la culture de la Kunstkamera à Saint-Pétersbourg au XVIIIe siècle

   Wladimir Berelowitch, Europe ou Asie? Saint-Pétersbourg dans les relations de voyage occidentaux

   Gianluigi Goggi, Alexandre Deleyre et le Voyage en Sibérie de Chappe d'Auteroche: la Russie, les pays du Nord et la question de la civilisation

   Rolando Minuti, «Barbarie» moscovite et idée de civilisation dans les Lettres chinoises de Boyer d'Argens

   Georges Dulac, Diderot et le «mirage russe»: quelques préliminaires à l'étude de son travail politique de Pétersbourg

   Piotr Zaborov, Le rôle des écrivains franco-russes dans la formation du «mirage russe» au XVIIIe siècle

   Dmitri Shvidkovsky, Le mythe occidental de l'Orient dans l'architecture et les jardins russes de l'époque des Lumières

   Vera Miltchina, Vie posthume du «mirage russe»

   Larry Wolff, Conclusion. Le mirage, le mythe, et le miroir de la Russie

 

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