ISSN 2271-1813

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Voltaire, Le Siècle de Louis XIV, l'édition de 1751
Préparée et présentée par Ulla Kölving

 

[p. 301] CHAPITRE TRENTE-QUATRIÉME.

Du Quiétisme.

Au milieu des factions du calvinisme & des querelles du jansénisme, il y eut encor une division en france sur le quiétisme. c'était une suite malheureuse des progrès de l'esprit humain dans le siécle de louis XIV, que l'on s'efforçât de passer presque en tout les bornes prescrites à nos connaissances; ou plustôt, c'était une preuve qu'on n'avait pas fait encor assez de progrès.

La dispute du quiétisme est une de ces intempérances d'esprit & de ces subtilités [p. 302] théologiques, qui n'auraient laissé aucune trace dans la mémoire des hommes, sans les noms des deux illustres rivaux qui combattirent. une femme, sans nom, sans crédit, sans véritable esprit, & qui n'avait qu'une imagination échauffée, mit aux mains les deux plus grands hommes qui fussent alors dans l'église. son nom était bouviéres de la motte. sa famille était originaire de montargis. elle avait épousé le fils de l'entrepreneur du canal de briare. devenuë veuve dans une assez grande jeunesse, avec du bien, de la beauté & un esprit fait pour le monde, elle s'entêta de ce qu'on appelle la spiritualité. un barnabite du païs de genéve, nommé la-combe, fut son directeur. cet homme, connu par un mélange assez ordinaire de passions & de religion & qui est mort foû, plongea l'esprit de sa pénitente dans les réveries mystiques, dont elle était déja atteinte. l'envie d'être une sainte-thérése en france, ne lui permit pas de voir combien le génie français est opposé au génie espagnol, & la fit aller beaucoup plus loin que sainte-thérése. l'ambition d'avoir des disciples, la plus forte peut-être de toutes les ambitions, s'empara toute entiére de son cœur.

Elle alla avec son directeur dans le petit [p. 303] païs où l'évêque titulaire de genéve fait sa résidence. elle s'y donna de l'autorité par sa profusion en aumônes. elle tint des conférences. elle préchait le renoncement entier à soi-même, le silence de l'ame, l'anéantissement de toutes ses puissances, le culte intérieur, l'amour pur & désintéressé, qui n'est ni avili par la crainte ni animé de l'espoir des récompenses.

Les imaginations tendres & fléxibles, surtout celles des femmes & de quelques jeunes religieux qui aimaient plus qu'ils ne croiaient la parole de Dieu dans la bouche d'une belle femme, furent aisément touchées de cette éloquence de paroles, la seule propre à persuader tout à des esprits préparés. elle fit des prosélites, & fut chassée par l'évêque elle & son directeur. ils s'en allérent à grenoble. elle y répandit un petit livre intitulé le moien court, & un autre sous le nom des torrens, écrits du stile dont elle parlait; & fut encor obligée de sortir de grenoble.

Se flattant déja d'être au rang des confesseurs, elle eut une vision, & elle prophétisa. elle envoia sa prophétie au pére la-combe. tout l'enfer se bandera, dit-elle, pour empécher les progrès de l'intérieur & la formation de Jesus-Christ dans les ames. la [p. 304] tempête sera telle, qu'il ne restera pas pierre sur pierre; & il me semble, que dans toute la terre il y aura trouble, guerre & renversement. la femme sera enceinte de l'esprit intérieur, & le dragon se tiendra debout devant elle.

La prophétie se trouva très vraie; car étant revenuë à paris conduite par son directeur, & l'un & l'autre aiant dogmatisé en 1687, l'archévêque de harlai de chanvallon obtint un ordre du roi, pour faire enfermer la-combe comme un séducteur, & pour mettre dans un coûvent madame guion comme un esprit aliéné qu'il falait guérir. mais madame guion, avant ce coup, s'était fait des protections qui la servirent. elle avait dans la maison de saint-cyr encor naissante, une cousine nommée madame de la maison-fort, favorite de madame de maintenon. elle s'était insinuée dans l'esprit des duchesses de chevreuse & de beauvilliers. toutes ses amies se plaignirent hautement, que l'archévêque de harlai, connu pour aimer trop les femmes, persécutât une femme, qui ne parlait que de l'amour de Dieu.

La protection toute puissante de madame de maintenon imposa silence à l'archévêque de paris, & rendit la liberté à madame guion. elle alla à versailles, s'introduisit [p. 305] dans saint-cyr, assista à des conférences dévotes que faisait l'abbé de fénelon, après avoir diné en tièrs avec madame de maintenon. la princesse d'harcourt, les duchesses de chevreuse, de beauvilliers & de charôt étaient de ces mystéres.

L'abbé de fénelon, alors précepteur des enfans de france, était l'homme de la cour le plus séduisant. né avec un cœur tendre & une imagination douce & brillante, son esprit était nourri de la fleur des belles-lettres. plein de goût & de graces, il préférait dans la théologie tout ce qui a l'air touchant & sublime, à ce qu'elle a de sombre & d'épineux. avec tout cela, il avait je ne sai quoi de romanesque, qui lui inspira, non pas les réveries de madame guion, mais un goût de spiritualité, qui ne s'éloignait pas des idées de cette dame.

Son imagination s'échauffait par la candeur & par la vertu, comme les autres s'enflâment par leurs passions. sa passion était d'aimer Dieu pour lui-même. il ne vit dans madame guion, qu'une ame pure éprise du même goût que lui, & se lia sans scrupule avec elle.

Il était étrange, qu'il fût séduit par une femme à révélations, à prophéties & à galimatias, qui suffoquait de la grace intérieure, qu'on était obligé de délacer, [p. 306] & qui se vuidait (à ce qu'elle disait) de la surabondance de grace, pour en faire enfler le corps de l'élu qui était assis auprès d'elle. mais fénelon, dans l'amitié & dans ses idées mystiques, était ce qu'on est en amour: il excusait les défauts, & ne s'attachait qu'à la conformité du fond des sentimens qui l'avaient charmé.

Madame guion, assûrée & fiére d'un tel disciple qu'elle appelait son fils, & comptant même sur madame de maintenon, répandit dans saint-cyr toutes ses idées. l'évêque de chartres godet, dans le diocése duquel est saint-cyr, s'en alarma & s'en plaignit. l'archévêque de paris menaça encor de recommencer ses premiéres poursuites.

Madame de maintenon, qui ne pensait qu'à faire de saint-cyr un séjour de paix, qui savait combien le roi était ennemi de toute nouveauté, qui n'avait pas besoin pour se donner de la considération de se mettre à la tête d'une espéce de secte, & qui enfin n'avait en vuë que son crédit & son repos, rompit tout commerce avec madame guion & lui défendit le séjour de saint-cyr.

L'abbé de fénelon voiait un orage se former, & craignit de manquer les grands postes où il aspirait. il conseilla à son [p. 307] amie de se mettre elle-même dans les mains du célébre bossuet évêque de meaux, regardé comme un pére de l'église. elle se soumit aux décisions de ce prélat, communia de sa main & lui donna tous ses écrits à éxaminer.

L'évêque de meaux, avec l'agrément du roi, s'associa pour cet éxamen l'évêque de châlons qui fut depuis le cardinal de noailles, & l'abbé tronson supérieur de saint-sulpice. ils s'assemblérent secrettement au village d'issi, près de paris. l'archévêque de paris chanvallon, jaloux que d'autres que lui se portassent pour juges dans son diocése, fit afficher une censure publique des livres qu'on éxaminait. madame guion se retira dans la ville de meaux même; elle souscrivit à tout ce que l'évêque bossuet voulut, & promit de ne plus dogmatiser.

Cependant fénelon fut élevé à l'archévêché de cambrai en 1695, & sacré par l'évêque de meaux. il semblait qu'une affaire assoupie, dans laquelle il n'y avait eû jusques-là que du ridicule, ne devait jamais se réveiller. mais madame guion, accusée de dogmatiser toûjours après avoir promis le silence, fut enlevée par ordre du roi dans la même année 1695 & mise en prison à vincennes, comme si elle eût été une personne [p. 308] dangereuse dans l'état. elle ne pouvait l'être; & ses pieuses réveries ne méritaient pas l'attention du souverain. elle composa à vincennes un gros volume de vers mystiques, plus mauvais encor que sa prose, elle parodiait les vers des opéra. elle chantait souvent:

L'amour pur & parfait va plus loin qu'on ne pense:
On ne sait pas, lorsqu'il commence,
Tout ce qu'il doit coûtèr un jour.
Mon cœur n'aurait connu vincennes ni souffrance,
S'il n'eût connu le pur amour.

Les opinions des hommes dépendent des tems, des lieux & des circonstances. tandis qu'on tenait en prison madame guion, qui avait épousé Jesus-Christ dans une de ses extases, & qui depuis ce tems-là ne priait plus les saints, disant que la maîtresse de la maison ne devait pas s'adressèr aux domestiques; dans ce tems-là, dis-je, on poursuivait à rome la canonisation de marie d'agréda, qui avait eû plus de visions & de révélations que tous les mystiques ensemble: & pour mettre le comble aux contradictions dont ce monde est plein, on poursuivait [p. 309] en sorbonne cette même d'agréda, qu'on voulait faire sainte en espagne.

Bossuet qui s'était longtems regardé comme le pére & le maître de fénelon, devenu jaloux de la réputation & du crédit de son disciple, & voulant toûjours conserver cet ascendant qu'il avait pris sur tous ses confréres, éxigea que le nouvel archévêque de cambrai condannât madame guion avec lui & souscrivît à ses instructions pastorales. fénelon ne voulut lui sacrifier ni ses sentimens ni son amie. on proposa des tempéramens. on donna des promesses. on se plaignit de part & d'autre, qu'on avait manqué de foi. l'archévêque de cambrai, en partant pour son diocése, fit imprimèr à paris son livre des maximes des saints; ouvrage dans lequel il crut rectifier tout ce qu'on reprochait à son amie, & déveloper les idées ortodoxes des pieux contemplatifs, qui s'élévent au dessus des sens & qui tendent à un état de perfection, où les ames ordinaires n'aspirent guères. monsieur de meaux & ses amis se soûlevérent contre le livre. on le dénonça au roi, comme s'il eût été aussi dangereux qu'il était peu intelligible. le roi en parla à bossuet, dont il respectait la réputation & les lumiéres. celui-ci, se jettant aux [p. 310] genoux de son prince, lui demanda pardon de ne l'avoir pas averti plustôt de la fatale hérésie de monsieur de cambrai. aussitôt le roi & madame de maintenon consultent le pére de la chaise; le confesseur répond, que le livre de l'archévêque est fort bon, que tous les jésuites en sont édifiés, & qu'il n'y avait que les jansénistes qui le désapprouvassent. l'évêque de meaux n'était pas janséniste; mais il s'était nourri de leurs bons écrits. les jésuites ne l'aimaient pas, & n'en étaient pas aimés.

La cour & la ville furent divisées; & toute l'attention tournée de ce côté laissa respirer les jansénistes.

Bossuet écrivit contre fénelon. tous deux envoiérent leurs ouvrages au pape innocent douze, & s'en remirent à sa décision. les circonstances ne paraissaient pas favorables à fénelon: on avait depuis peu condanné violemment à rome, dans la personne de l'espagnol molinos, le quiétisme dont on accusait l'archévêque de cambrai. c'était le cardinal d'étrées, ambassadeur de france à rome, qui avait poursuivi molinos. ce cardinal d'étrées, que nous avons vu dans sa vieillesse plus occupé des agrémens de la société que de théologie, avait persécuté molinos, pour plaire aux ennemis de ce malheureux [p. 311] prêtre. il avait même engagé le roi à sollicitèr à rome la condannation, qu'il obtint aisément. de sorte que louis XIV se trouvait, sans le savoir, l'ennemi le plus redoutable de l'amour pur des mystiques.

Rien n'est plus aisé dans ces matiéres délicates, que de trouver dans un livre qu'on juge, des passages ressemblans à ceux d'un livre déja proscrit. monsieur de cambrai avait pour lui les jésuites, & le cardinal de bouillon depuis peu ambassadeur de france à rome. monsieur de meaux avait son grand nom & l'adhésion des principaux prélats de france. il porta au roi les signatures de plusieurs évêques & d'un grand nombre de docteurs, qui tous s'élevaient contre le livre des maximes des saints.

Telle était l'autorité de monsieur de meaux, que le pére de la chaise n'osa soûtenir monsieur de cambrai auprès du roi son pénitent, & que madame de maintenon abandonna absolument son ami. le roi écrivit au pape innocent douze, qu'on lui avait déféré le livre de l'archévêque de cambrai comme un ouvrage pernicieux, qu'il l'avait fait remettre aux mains du nonce, & qu'il pressait sa sainteté de juger.

On prétendait & on disait même publiquement [p. 312] à rome, & c'est un bruit qui a encor des partisans, que l'archévêque de cambrai n'était ainsi persécuté, que parce qu'il s'était opposé à la déclaration du mariage secrèt du roi & de madame de maintenon. les inventeurs d'anecdotes prétendaient, que cette dame avait engagé le pére de la chaise à presser le roi de la reconnaître pour reine; que le jésuite avait adroitement remis cette commission hazardeuse à l'abbé de fénelon; & que ce précepteur des enfans de france avait préféré l'honneur de la france & de ses disciples à sa fortune; qu'il s'était jetté aux pieds de louis XIV, pour prévenir un mariage, dont la bizarrerie lui ferait plus de tort dans la postérité, qu'il n'en recueillerait de douceurs pendant sa vie.

Ce conte se retrouve dans l'histoire de louis XIV imprimée à avignon. ceux qui ont approché de ce monarque & de madame de maintenon, savent à quel point tout cela est absurde. mais il est très vrai, que fénelon aiant continué l'éducation du duc de bourgogne depuis sa nomination à l'archévêché de cambrai, le roi dans cet intervale avait entendu parler confusément de ses liaisons avec madame guion & avec madame de la maison-fort: il crut d'ailleurs qu'il inspirait [p. 313] au duc de bourgogne des maximes un peu austéres, & des principes de gouvernement & de morale qui pouvaient peut-être devenir un jour une censure indirecte de cet air de grandeur, de cette avidité de gloire, de ces guerres legérement entreprises, de ce goût pour les fêtes & pour les plaisirs, qui avaient caractérisé son régne.

Il voulut avoir une conversation avec le nouvel archévêque sur ses principes [errata: notions] de politique. fénelon, plein de ses idées, laissa entrevoir au roi une partie des principes, qu'il dévelopa ensuite dans les endroits du télémaque, où il traite du gouvernement; principes plus approchans de la république de platon, que de la maniére dont il faut gouverner les hommes. le roi après la conversation dit, qu'il avait entretenu le plus bel esprit & le plus chimérique de son roiaume. le duc de bourgogne fut instruit de ces paroles du roi. il les redit quelque tems après à monsieur de malésieux, qui lui enseignait la géométrie. c'est ce que je tiens de monsieur de malésieux, & ce que le cardinal de fleuri m'a confirmé.

Il est certain, que depuis cette conversation le roi crut aisément, que fénelon était aussi romanesque en fait de religion qu'en politique.

[p. 314] La congrégation du saint-office nomma pour instruire le procès, un dominicain, un jésuite, un bénédictin, deux cordeliers, un feuillant & un augustin. c'est ce qu'on appelle à rome les consulteurs. les cardinaux & les prélats laissent d'ordinaire à ces moines l'étude de la théologie, pour se livrèr à la politique, à l'intrigue ou aux douceurs de l'oisiveté.

Les consulteurs éxaminérent pendant trente-sept conférences trente-sept propositions, les jugérent erronées à la pluralité des voix; & le pape, à la tête d'une congrégation de cardinaux, les condanna par un bref, qui fut publié & affiché dans rome le 13 mars 1699.

L'évêque de meaux triompha; mais l'archévêque de cambrai tira un plus beau triomphe de sa défaite. il se soûmit sans restriction & sans réserve. il monta lui-même en chaire à cambrai, pour condanner son propre livre. il empécha ses amis de le défendre. cet éxemple unique de la docilité d'un savant qui pouvait se faire un grand parti par la persécution même[,] cette candeur & cette simplicité, lui gagnérent tous les cœurs & firent presque haïr celui qui avait remporté la victoire. il vécut toûjours depuis dans son diocése en digne archévêque, [p. 315] en homme de lettres. la douceur de ses mœurs, répanduë dans sa conversation comme dans ses écrits, lui fit des amis tendres de tous ceux qui le virent. la persécution & son télémaque lui attirérent la vénération de l'europe. les anglais surtout, qui firent la guerre dans son diocése, s'empressaient à lui témoigner leur respect. le duc de marleborough prenait soin qu'on épargnât ses terres. il fut toûjours chèr au duc de bourgogne qu'il avait élevé; & il aurait eû part au gouvernement, si ce prince eût vécu.

Dans sa retraite philosophique & honorable, on voiait combien il est difficile de se détacher de la cour. il en parlait toûjours avec un goût & un intérêt, qui perçait au travers de sa résignation. plusieurs écrits de philosophie, de théologie, de belles-lettres, furent le fruit de cette retraite. le duc d'orléans, depuis régent du roiaume, le consulta sur des points épineux, qui intéressent tous les hommes, & ausquels peu d'hommes pensent. il demandait, si on peut démontrer l'éxistence d'un dieu; si ce dieu veut un culte; quel est le culte qu'il approuve; si l'on peut l'offensèr en choisissant mal. il faisait beaucoup de questions de cette nature, en philosophe [p. 316] qui cherchait à s'instruire; & l'archévêque répondit en philosophe & en théologien.

Après avoir été vaincu sur des disputes de l'école, il eût été peut-être plus convenable, qu'il ne se mélât point des querelles du jansénisme; cependant il y entra. le cardinal de noailles avait pris contre lui autrefois le parti du plus fort: l'archévêque de cambrai en usa de même. il espéra qu'il reviendrait à la cour, & qu'il y serait consulté; tant l'esprit humain a de peine à se détacher des affaires, quand une fois elles ont servi d'aliment à son inquiétude. ses désirs cependant étaient modérés comme ses écrits; & même sur la fin de sa vie il méprisa enfin toutes les disputes; semblable en cela seul à l'évêque d'avranches huet, l'un des plus savans hommes de l'europe, qui sur la fin de ses jours reconnut la vanité de la pluspart des sciences, & celle de l'esprit humain. l'archévêque de cambrai (qui le croirait!) parodia ainsi un air de lulli:

Jeune, j'étais trop sage,
Et voulais trop savoir;
Je ne veux en partage
Que badinage,
[p. 317] Et touche au dernier âge,
Sans rien prévoir.

Il fit ces vers en présence de son neveu le marquis de fénelon, depuis ambassadeur à la haie. c'est de lui que je les tiens. je garantis la certitude de ce fait. il serait peu important par lui-même, s'il ne prouvait à quel point nous voions souvent avec des regards différens dans la triste tranquilité de la vieillesse, ce qui nous a paru si grand & si intéressant dans l'âge, où l'esprit plus actif est le jouët de ses désirs & de ses illusions.

[p. 301] CHAPITRE TRENTE-QUATRIÉME.

Du Quiétisme.

Au milieu des factions du calvinisme & des querelles du jansénisme, il y eut encor une division en france sur le quiétisme. c'était une suite malheureuse des progrès de l'esprit humain dans le siécle de louis XIV, que l'on s'efforçât de passer presque en tout les bornes prescrites à nos connaissances; ou plustôt, c'était une preuve qu'on n'avait pas fait encor assez de progrès.

La dispute du quiétisme est une de ces intempérances d'esprit & de ces subtilités [p. 302] théologiques, qui n'auraient laissé aucune trace dans la mémoire des hommes, sans les noms des deux illustres rivaux qui combattirent. une femme, sans nom, sans crédit, sans véritable esprit, & qui n'avait qu'une imagination échauffée, mit aux mains les deux plus grands hommes qui fussent alors dans l'église. son nom était bouviéres de la motte. sa famille était originaire de montargis. elle avait épousé le fils de l'entrepreneur du canal de briare. devenuë veuve dans une assez grande jeunesse, avec du bien, de la beauté & un esprit fait pour le monde, elle s'entêta de ce qu'on appelle la spiritualité. un barnabite du païs de genéve, nommé la-combe, fut son directeur. cet homme, connu par un mélange assez ordinaire de passions & de religion & qui est mort foû, plongea l'esprit de sa pénitente dans les réveries mystiques, dont elle était déja atteinte. l'envie d'être une sainte-thérése en france, ne lui permit pas de voir combien le génie français est opposé au génie espagnol, & la fit aller beaucoup plus loin que sainte-thérése. l'ambition d'avoir des disciples, la plus forte peut-être de toutes les ambitions, s'empara toute entiére de son cœur.

Elle alla avec son directeur dans le petit [p. 303] païs où l'évêque titulaire de genéve fait sa résidence. elle s'y donna de l'autorité par sa profusion en aumônes. elle tint des conférences. elle préchait le renoncement entier à soi-même, le silence de l'ame, l'anéantissement de toutes ses puissances, le culte intérieur, l'amour pur & désintéressé, qui n'est ni avili par la crainte ni animé de l'espoir des récompenses.

Les imaginations tendres & fléxibles, surtout celles des femmes & de quelques jeunes religieux qui aimaient plus qu'ils ne croiaient la parole de Dieu dans la bouche d'une belle femme, furent aisément touchées de cette éloquence de paroles, la seule propre à persuader tout à des esprits préparés. elle fit des prosélites, & fut chassée par l'évêque elle & son directeur. ils s'en allérent à grenoble. elle y répandit un petit livre intitulé le moien court, & un autre sous le nom des torrens, écrits du stile dont elle parlait; & fut encor obligée de sortir de grenoble.

Se flattant déja d'être au rang des confesseurs, elle eut une vision, & elle prophétisa. elle envoia sa prophétie au pére la-combe. tout l'enfer se bandera, dit-elle, pour empécher les progrès de l'intérieur & la formation de Jesus-Christ dans les ames. la [p. 304] tempête sera telle, qu'il ne restera pas pierre sur pierre; & il me semble, que dans toute la terre il y aura trouble, guerre & renversement. la femme sera enceinte de l'esprit intérieur, & le dragon se tiendra debout devant elle.

La prophétie se trouva très vraie; car étant revenuë à paris conduite par son directeur, & l'un & l'autre aiant dogmatisé en 1687, l'archévêque de harlai de chanvallon obtint un ordre du roi, pour faire enfermer la-combe comme un séducteur, & pour mettre dans un coûvent madame guion comme un esprit aliéné qu'il falait guérir. mais madame guion, avant ce coup, s'était fait des protections qui la servirent. elle avait dans la maison de saint-cyr encor naissante, une cousine nommée madame de la maison-fort, favorite de madame de maintenon. elle s'était insinuée dans l'esprit des duchesses de chevreuse & de beauvilliers. toutes ses amies se plaignirent hautement, que l'archévêque de harlai, connu pour aimer trop les femmes, persécutât une femme, qui ne parlait que de l'amour de Dieu.

La protection toute puissante de madame de maintenon imposa silence à l'archévêque de paris, & rendit la liberté à madame guion. elle alla à versailles, s'introduisit [p. 305] dans saint-cyr, assista à des conférences dévotes que faisait l'abbé de fénelon, après avoir diné en tièrs avec madame de maintenon. la princesse d'harcourt, les duchesses de chevreuse, de beauvilliers & de charôt étaient de ces mystéres.

L'abbé de fénelon, alors précepteur des enfans de france, était l'homme de la cour le plus séduisant. né avec un cœur tendre & une imagination douce & brillante, son esprit était nourri de la fleur des belles-lettres. plein de goût & de graces, il préférait dans la théologie tout ce qui a l'air touchant & sublime, à ce qu'elle a de sombre & d'épineux. avec tout cela, il avait je ne sai quoi de romanesque, qui lui inspira, non pas les réveries de madame guion, mais un goût de spiritualité, qui ne s'éloignait pas des idées de cette dame.

Son imagination s'échauffait par la candeur & par la vertu, comme les autres s'enflâment par leurs passions. sa passion était d'aimer Dieu pour lui-même. il ne vit dans madame guion, qu'une ame pure éprise du même goût que lui, & se lia sans scrupule avec elle.

Il était étrange, qu'il fût séduit par une femme à révélations, à prophéties & à galimatias, qui suffoquait de la grace intérieure, qu'on était obligé de délacer, [p. 306] & qui se vuidait (à ce qu'elle disait) de la surabondance de grace, pour en faire enfler le corps de l'élu qui était assis auprès d'elle. mais fénelon, dans l'amitié & dans ses idées mystiques, était ce qu'on est en amour: il excusait les défauts, & ne s'attachait qu'à la conformité du fond des sentimens qui l'avaient charmé.

Madame guion, assûrée & fiére d'un tel disciple qu'elle appelait son fils, & comptant même sur madame de maintenon, répandit dans saint-cyr toutes ses idées. l'évêque de chartres godet, dans le diocése duquel est saint-cyr, s'en alarma & s'en plaignit. l'archévêque de paris menaça encor de recommencer ses premiéres poursuites.

Madame de maintenon, qui ne pensait qu'à faire de saint-cyr un séjour de paix, qui savait combien le roi était ennemi de toute nouveauté, qui n'avait pas besoin pour se donner de la considération de se mettre à la tête d'une espéce de secte, & qui enfin n'avait en vuë que son crédit & son repos, rompit tout commerce avec madame guion & lui défendit le séjour de saint-cyr.

L'abbé de fénelon voiait un orage se former, & craignit de manquer les grands postes où il aspirait. il conseilla à son [p. 307] amie de se mettre elle-même dans les mains du célébre bossuet évêque de meaux, regardé comme un pére de l'église. elle se soumit aux décisions de ce prélat, communia de sa main & lui donna tous ses écrits à éxaminer.

L'évêque de meaux, avec l'agrément du roi, s'associa pour cet éxamen l'évêque de châlons qui fut depuis le cardinal de noailles, & l'abbé tronson supérieur de saint-sulpice. ils s'assemblérent secrettement au village d'issi, près de paris. l'archévêque de paris chanvallon, jaloux que d'autres que lui se portassent pour juges dans son diocése, fit afficher une censure publique des livres qu'on éxaminait. madame guion se retira dans la ville de meaux même; elle souscrivit à tout ce que l'évêque bossuet voulut, & promit de ne plus dogmatiser.

Cependant fénelon fut élevé à l'archévêché de cambrai en 1695, & sacré par l'évêque de meaux. il semblait qu'une affaire assoupie, dans laquelle il n'y avait eû jusques-là que du ridicule, ne devait jamais se réveiller. mais madame guion, accusée de dogmatiser toûjours après avoir promis le silence, fut enlevée par ordre du roi dans la même année 1695 & mise en prison à vincennes, comme si elle eût été une personne [p. 308] dangereuse dans l'état. elle ne pouvait l'être; & ses pieuses réveries ne méritaient pas l'attention du souverain. elle composa à vincennes un gros volume de vers mystiques, plus mauvais encor que sa prose, elle parodiait les vers des opéra. elle chantait souvent:

L'amour pur & parfait va plus loin qu'on ne pense:
On ne sait pas, lorsqu'il commence,
Tout ce qu'il doit coûtèr un jour.
Mon cœur n'aurait connu vincennes ni souffrance,
S'il n'eût connu le pur amour.

Les opinions des hommes dépendent des tems, des lieux & des circonstances. tandis qu'on tenait en prison madame guion, qui avait épousé Jesus-Christ dans une de ses extases, & qui depuis ce tems-là ne priait plus les saints, disant que la maîtresse de la maison ne devait pas s'adressèr aux domestiques; dans ce tems-là, dis-je, on poursuivait à rome la canonisation de marie d'agréda, qui avait eû plus de visions & de révélations que tous les mystiques ensemble: & pour mettre le comble aux contradictions dont ce monde est plein, on poursuivait [p. 309] en sorbonne cette même d'agréda, qu'on voulait faire sainte en espagne.

Bossuet qui s'était longtems regardé comme le pére & le maître de fénelon, devenu jaloux de la réputation & du crédit de son disciple, & voulant toûjours conserver cet ascendant qu'il avait pris sur tous ses confréres, éxigea que le nouvel archévêque de cambrai condannât madame guion avec lui & souscrivît à ses instructions pastorales. fénelon ne voulut lui sacrifier ni ses sentimens ni son amie. on proposa des tempéramens. on donna des promesses. on se plaignit de part & d'autre, qu'on avait manqué de foi. l'archévêque de cambrai, en partant pour son diocése, fit imprimèr à paris son livre des maximes des saints; ouvrage dans lequel il crut rectifier tout ce qu'on reprochait à son amie, & déveloper les idées ortodoxes des pieux contemplatifs, qui s'élévent au dessus des sens & qui tendent à un état de perfection, où les ames ordinaires n'aspirent guères. monsieur de meaux & ses amis se soûlevérent contre le livre. on le dénonça au roi, comme s'il eût été aussi dangereux qu'il était peu intelligible. le roi en parla à bossuet, dont il respectait la réputation & les lumiéres. celui-ci, se jettant aux [p. 310] genoux de son prince, lui demanda pardon de ne l'avoir pas averti plustôt de la fatale hérésie de monsieur de cambrai. aussitôt le roi & madame de maintenon consultent le pére de la chaise; le confesseur répond, que le livre de l'archévêque est fort bon, que tous les jésuites en sont édifiés, & qu'il n'y avait que les jansénistes qui le désapprouvassent. l'évêque de meaux n'était pas janséniste; mais il s'était nourri de leurs bons écrits. les jésuites ne l'aimaient pas, & n'en étaient pas aimés.

La cour & la ville furent divisées; & toute l'attention tournée de ce côté laissa respirer les jansénistes.

Bossuet écrivit contre fénelon. tous deux envoiérent leurs ouvrages au pape innocent douze, & s'en remirent à sa décision. les circonstances ne paraissaient pas favorables à fénelon: on avait depuis peu condanné violemment à rome, dans la personne de l'espagnol molinos, le quiétisme dont on accusait l'archévêque de cambrai. c'était le cardinal d'étrées, ambassadeur de france à rome, qui avait poursuivi molinos. ce cardinal d'étrées, que nous avons vu dans sa vieillesse plus occupé des agrémens de la société que de théologie, avait persécuté molinos, pour plaire aux ennemis de ce malheureux [p. 311] prêtre. il avait même engagé le roi à sollicitèr à rome la condannation, qu'il obtint aisément. de sorte que louis XIV se trouvait, sans le savoir, l'ennemi le plus redoutable de l'amour pur des mystiques.

Rien n'est plus aisé dans ces matiéres délicates, que de trouver dans un livre qu'on juge, des passages ressemblans à ceux d'un livre déja proscrit. monsieur de cambrai avait pour lui les jésuites, & le cardinal de bouillon depuis peu ambassadeur de france à rome. monsieur de meaux avait son grand nom & l'adhésion des principaux prélats de france. il porta au roi les signatures de plusieurs évêques & d'un grand nombre de docteurs, qui tous s'élevaient contre le livre des maximes des saints.

Telle était l'autorité de monsieur de meaux, que le pére de la chaise n'osa soûtenir monsieur de cambrai auprès du roi son pénitent, & que madame de maintenon abandonna absolument son ami. le roi écrivit au pape innocent douze, qu'on lui avait déféré le livre de l'archévêque de cambrai comme un ouvrage pernicieux, qu'il l'avait fait remettre aux mains du nonce, & qu'il pressait sa sainteté de juger.

On prétendait & on disait même publiquement [p. 312] à rome, & c'est un bruit qui a encor des partisans, que l'archévêque de cambrai n'était ainsi persécuté, que parce qu'il s'était opposé à la déclaration du mariage secrèt du roi & de madame de maintenon. les inventeurs d'anecdotes prétendaient, que cette dame avait engagé le pére de la chaise à presser le roi de la reconnaître pour reine; que le jésuite avait adroitement remis cette commission hazardeuse à l'abbé de fénelon; & que ce précepteur des enfans de france avait préféré l'honneur de la france & de ses disciples à sa fortune; qu'il s'était jetté aux pieds de louis XIV, pour prévenir un mariage, dont la bizarrerie lui ferait plus de tort dans la postérité, qu'il n'en recueillerait de douceurs pendant sa vie.

Ce conte se retrouve dans l'histoire de louis XIV imprimée à avignon. ceux qui ont approché de ce monarque & de madame de maintenon, savent à quel point tout cela est absurde. mais il est très vrai, que fénelon aiant continué l'éducation du duc de bourgogne depuis sa nomination à l'archévêché de cambrai, le roi dans cet intervale avait entendu parler confusément de ses liaisons avec madame guion & avec madame de la maison-fort: il crut d'ailleurs qu'il inspirait [p. 313] au duc de bourgogne des maximes un peu austéres, & des principes de gouvernement & de morale qui pouvaient peut-être devenir un jour une censure indirecte de cet air de grandeur, de cette avidité de gloire, de ces guerres legérement entreprises, de ce goût pour les fêtes & pour les plaisirs, qui avaient caractérisé son régne.

Il voulut avoir une conversation avec le nouvel archévêque sur ses principes [errata: notions] de politique. fénelon, plein de ses idées, laissa entrevoir au roi une partie des principes, qu'il dévelopa ensuite dans les endroits du télémaque, où il traite du gouvernement; principes plus approchans de la république de platon, que de la maniére dont il faut gouverner les hommes. le roi après la conversation dit, qu'il avait entretenu le plus bel esprit & le plus chimérique de son roiaume. le duc de bourgogne fut instruit de ces paroles du roi. il les redit quelque tems après à monsieur de malésieux, qui lui enseignait la géométrie. c'est ce que je tiens de monsieur de malésieux, & ce que le cardinal de fleuri m'a confirmé.

Il est certain, que depuis cette conversation le roi crut aisément, que fénelon était aussi romanesque en fait de religion qu'en politique.

[p. 314] La congrégation du saint-office nomma pour instruire le procès, un dominicain, un jésuite, un bénédictin, deux cordeliers, un feuillant & un augustin. c'est ce qu'on appelle à rome les consulteurs. les cardinaux & les prélats laissent d'ordinaire à ces moines l'étude de la théologie, pour se livrèr à la politique, à l'intrigue ou aux douceurs de l'oisiveté.

Les consulteurs éxaminérent pendant trente-sept conférences trente-sept propositions, les jugérent erronées à la pluralité des voix; & le pape, à la tête d'une congrégation de cardinaux, les condanna par un bref, qui fut publié & affiché dans rome le 13 mars 1699.

L'évêque de meaux triompha; mais l'archévêque de cambrai tira un plus beau triomphe de sa défaite. il se soûmit sans restriction & sans réserve. il monta lui-même en chaire à cambrai, pour condanner son propre livre. il empécha ses amis de le défendre. cet éxemple unique de la docilité d'un savant qui pouvait se faire un grand parti par la persécution même[,] cette candeur & cette simplicité, lui gagnérent tous les cœurs & firent presque haïr celui qui avait remporté la victoire. il vécut toûjours depuis dans son diocése en digne archévêque, [p. 315] en homme de lettres. la douceur de ses mœurs, répanduë dans sa conversation comme dans ses écrits, lui fit des amis tendres de tous ceux qui le virent. la persécution & son télémaque lui attirérent la vénération de l'europe. les anglais surtout, qui firent la guerre dans son diocése, s'empressaient à lui témoigner leur respect. le duc de marleborough prenait soin qu'on épargnât ses terres. il fut toûjours chèr au duc de bourgogne qu'il avait élevé; & il aurait eû part au gouvernement, si ce prince eût vécu.

Dans sa retraite philosophique & honorable, on voiait combien il est difficile de se détacher de la cour. il en parlait toûjours avec un goût & un intérêt, qui perçait au travers de sa résignation. plusieurs écrits de philosophie, de théologie, de belles-lettres, furent le fruit de cette retraite. le duc d'orléans, depuis régent du roiaume, le consulta sur des points épineux, qui intéressent tous les hommes, & ausquels peu d'hommes pensent. il demandait, si on peut démontrer l'éxistence d'un dieu; si ce dieu veut un culte; quel est le culte qu'il approuve; si l'on peut l'offensèr en choisissant mal. il faisait beaucoup de questions de cette nature, en philosophe [p. 316] qui cherchait à s'instruire; & l'archévêque répondit en philosophe & en théologien.

Après avoir été vaincu sur des disputes de l'école, il eût été peut-être plus convenable, qu'il ne se mélât point des querelles du jansénisme; cependant il y entra. le cardinal de noailles avait pris contre lui autrefois le parti du plus fort: l'archévêque de cambrai en usa de même. il espéra qu'il reviendrait à la cour, & qu'il y serait consulté; tant l'esprit humain a de peine à se détacher des affaires, quand une fois elles ont servi d'aliment à son inquiétude. ses désirs cependant étaient modérés comme ses écrits; & même sur la fin de sa vie il méprisa enfin toutes les disputes; semblable en cela seul à l'évêque d'avranches huet, l'un des plus savans hommes de l'europe, qui sur la fin de ses jours reconnut la vanité de la pluspart des sciences, & celle de l'esprit humain. l'archévêque de cambrai (qui le croirait!) parodia ainsi un air de lulli:

Jeune, j'étais trop sage,
Et voulais trop savoir;
Je ne veux en partage
Que badinage,
[p. 317] Et touche au dernier âge,
Sans rien prévoir.

Il fit ces vers en présence de son neveu le marquis de fénelon, depuis ambassadeur à la haie. c'est de lui que je les tiens. je garantis la certitude de ce fait. il serait peu important par lui-même, s'il ne prouvait à quel point nous voions souvent avec des regards différens dans la triste tranquilité de la vieillesse, ce qui nous a paru si grand & si intéressant dans l'âge, où l'esprit plus actif est le jouët de ses désirs & de ses illusions.