ISSN 2271-1813

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Dictionnaire de la presse française pendant la Révolution 1789-1799

C O M M A N D E R

   

Dictionnaire des journaux 1600-1789, sous la direction de Jean Sgard, Paris, Universitas, 1991: notice 563

GAZETTE FRANÇAISE [DE NEWPORT] (1780-1781)

1Titres Gazette françoise. Titre encadré surmonté de l'écu royal couronné aux trois fleurs de lys; en dessous, en caractères plus fins, indication de la date («Du Vendredi...»).

2Dates Fondée en novembre 1780, la Gazette française cesse d'être publiée dès les premiers mois de l'année suivante. Hebdomadaire, elle paraissait le vendredi, puis, à partir de janvier 1781, le mardi.

3Description Le numéro paraît sur 4 p. à 2 colonnes, 205 x 302, in-folio. Pagination séparée pour chaque numéro. Sans devise ni illustrations.

4Publication A Newport, de l'imprimerie royale de l'Escadre, rue de la Pointe, nº 641. La Gazette française avait également un bureau dans la Grande Rue, au-dessus de la Place d'Armes, chez le sieur Eleazar Trevett.

On pouvait s'abonner, à Newport, à l'imprimerie et au bureau de la Gazette, et à Providence, aux bureaux de l'American Journal et de la Providence Gazette. L'abonnement était d'une «demi Gourde» (demi dollar) par mois.

5Collaborateurs Le chevalier de MAULÉVRIER, John JASTRAM, Eleazar TREVETT.

6Contenu Dans une courte introduction sur deux colonnes, en tête du premier numéro, l'éditeur de la Gazette française affirme ne vouloir s'engager «envers le Public qu'à répéter en Français ce que les Américains auront dit dans leur langue». Il donnera «la traduction des différentes Nouvelles que les Papiers Américains produisent» pour l'avantage de «MM. les Officiers et autres Particuliers qui ne sont pas familiers avec la langue du pays, et qui s'intéressent aux événements politiques de cette Nation naissante».

La plupart des articles de la Gazette française sont en effet repris et traduits des divers journaux américains publiés alors, et traitent de la guerre qui oppose les insurgés américains aux troupes régulières anglaises.

Principales rubriques: 1) Nouvelles des opérations sur les différents fronts. 2) Nouvelles maritimes; mouvements et combats des flottes françaises, anglaises et espagnoles. 3) Proclamations et résolutions du Congrès des Etats-Unis. 4) Nouvelles des îles de la mer des Antilles, et principalement des possessions françaises. 5) Nouvelles d'Europe. 6) Nouvelles locales. 7) Annonces et avis divers.

7Exemplaires Rhode Island Historical Society, Providence : nº 1 (vendredi 17 nov. 1780); 2 (ven. 24 nov.); 3 (ven. 30 nov. [sic]); 4 (ven. 8 déc.); 5 (ven. 15 déc.); 6 (ven. 22 déc.); 7 (samedi 30 déc.); Supplément au nº 7 (mardi 2 janv. 1781). .

8Bibliographie Reproductions: Gazette françoise. A facsimile reprint of a newspaper printed at Newport on the printing press of the French fleet in American waters during the Revolutionary war, introd. by H.M. Chapin, New York, The Grolier Club, 1926. Gazette françoise, Americana Photostat Series nº 186, Massachusetts Historical Society, Boston, 1927.

Presse du temps: American journal, Providence, December 23, 1780 (annonce de la publication); Providence Gazette, Providence, December 27, 1780 (annonce de la publication). – Clarence S. Brigham, History and bibliography of American Newspaper. 1690-1820, Worcester, 1947, p. 995-996. – Chapin H.M., «Early Sea Presses», Ars typographica, vol. II, 1, 1925. – Gazette françoise. An account of the French newspaper printed on the press of the French fleet at Newport, Rhode Island, 1780 and 1781, Rhode Island Historical Society, Providence, 1926. – Barthold A.J., «Gazette françoise, Newport, R.I., 1780-1781», Bibliographical Society of America Papers, vol. XXVIII, 1 (1934), p. 64-79. – Godechot J., «La Gazette françoise: The First French Newspaper Published in the United States», Two Hundred Years of Franco-American Relations, Newport, 1978, p. 78-92.

Historique Au printemps 1780, après de nombreux atermoiements, Louis XVI se décide à envoyer un corps expéditionnaire pour soutenir les insurgés américains. Son commandement est confié au comte de Rochambeau qui quitte Brest le 2 mai à la tête d'un premier contingent d'environ 4000 hommes. Le 12 juillet les Français débarquent à Newport où ils seront obligés de passer l'hiver, bloqués à la fois par la flotte anglaise de l'amiral Graves qui croise au large et par le mauvais temps qui retarde les opérations et empêche la jonction avec les troupes du général Washington.

A bord de l'un des vaisseaux de l'escade française, le Neptune, se trouvait une presse qui fut descendue et installée à terre, au 641 de la rue de la Pointe. C'est sans doute pour pallier les désagréments d'un cantonnement dans un pays étranger, l'isolement, le désœuvrement et l'ennui dû à l'inaction, que fut décidée la publication d'un journal en langue française.

Le premier numéro de la Gazette française parut sur 4. p. le vendredi 17 novembre 1780. Son éditeur était probablement le chevalier de Maulévrier, commandant de la Guêpe, qu'une liste des quartiers d'hiver des officiers français cantonnés à Newport indique comme l'officier en charge de «L'Imprimerie de l'Escadre». Eleazar Trevett, chez qui étaient installés les bureaux du journal, et surtout John Jastram, qui habitait à la même adresse, ont dû également collaborer à l'édition de la Gazette, assurant notamment la traduction française des articles repris aux journaux américains. John Jastram donnait des leçons d'anglais aux officiers français et enseignera par la suite le français au Harvard College. Il a sans doute joué un rôle important dans la composition et la rédaction du journal.

Organe d'information au service du corps expéditionnaire français, la Gazette cherche avant tout à mettre au courant ses lecteurs de la situation politique et militaire et de l'état d'esprit du peuple américain. Mais l'on sent également, dans le choix des articles traduits et les commentaires qui les accompagnent, le souci du commandement français de soutenir le moral de ses troupes et d'intéresser celles-ci à la cause qu'elles sont venues défendre. La Gazette française publie, par exemple, une résolution du Congrès honorant le baron de Kalb qui, en compagnie de La Fayette, avait été l'un des premiers officiers français à offrir ses services aux insurgés américains (nº 3); la traduction d'une «Adresse au peuple» de Tom Paine, vibrant appel à l'union et à la lutte pour conquérir «la dignité d'homme libre» (nº 5); ou un portrait élogieux du général Washington: «jamais homme n'a mieux réuni les vertus du Philosophe aux talents du Général» (nº 7). Le commandement français devait être d'autant plus soucieux du moral de ses hommes que l'hiver 1780 a correspondu à un moment d'incertitude et de découragement dans le camp des «Insurgents»: le manque d'argent, de soldats et de munitions, la longueur et les exactions de la guerre, les mutineries et désertions, et notamment celle du général Benedict Arnold, le héros de Saragota, qui vient de passer à l'ennemi, ont peu à peu érodé l'enthousiasme du début. Rochambeau lui-même devra faire face à un manque d'argent, de vivres et de marchandises, n'ayant pas reçu les secours qui lui avaient été promis par le Roi.

Rendant compte des opérations militaires, la Gazette accorde une large place aux nouvelles maritimes et particulièrement aux mouvements de la flotte française et aux combats que celle-ci livre; ce qui ne saurait étonner, le journal étant publié par un officier de marine et comptant parmi ses lecteurs de nombreux officiers de la Royale. Ces nouvelles sont d'ailleurs souvent accompagnées de commentaires sur les qualités de tel ou tel vaisseau et la valeur de ceux qui en ont la charge.

Les nouvelles et annonces locales n'occupent qu'une place restreinte dans le journal, mais à travers elles on peut déjà deviner la vie quotidienne du contingent français. Pour tromper l'ennui, les officiers se sont mis à l'apprentissage de la langue anglaise: John Jastram, puis Phineas Salomon Lemonnier, ouvrent des écoles à leur usage. Les marchands locaux s'adaptent au nouveau marché: l'un d'eux affirme avoir seul le secret «d'une eau pour noircir et glacer les gibernes, bottes et souliers, et conserver le cuir dans sa bonté». Les habitants, méfiants et froids au début, commencent à fraterniser avec l'armée alliée: les francs-maçons américains invitent leurs frères français et la Gazette, qui goûte à la liberté de presse d'outre-atlantique, transmet l'invitation: «Les Frères Francs et acceptés Maçons sont avertis de s'assembler chez M. John Lawtons proche la Maison de Ville, Mercredi prochain (27 décembre) Jour de la Fête de St Jean [...] par ordre du très-digne Maître».

Ce n'est qu'en juin 1781 que les troupes françaises quitteront Newport pour rejoindre les forces du général Washington et s'engager à leurs côtés dans la marche sur Yorktown. Il est probable que la Gazette avait alors déjà cessé de paraître depuis plusieurs mois et cela sans doute à cause du manque d'argent et de la pénurie de papier: dès le 2 janvier la Gazette annonce qu'elle recherche «des vieux chiffons propres à faire du papier».

La Gazette française est l'un des quelques journaux imprimés lors de la Révolution américaine, et le seul publié en français. C'est aussi sans doute le premier journal publié par et pour un corps expéditionnaire en campagne. Outre la Gazette française, l'imprimerie royale de l'Escadre publia également deux livres: le Calendrier français ou Almanach pour l'an de grâce 1781 (Newport, 1781) et le Voyage de Newport à Philadelphie, Albany, etc., (Newport, s.d.) du chevalier de Chastellux, officier attaché à l'état-major de Rochambeau.

Alain NABARRA

 


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© Universitas 1991-2024, ISBN 978-2-84559-070-0 (édition électronique)