ISSN 2271-1813

...

 

Publication disponible:

Dictionnaire de la presse française pendant la Révolution 1789-1799

C O M M A N D E R

   

Dictionnaire des journaux 1600-1789, sous la direction de Jean Sgard, Paris, Universitas, 1991: notice 840

LISTE DES AVIS DU BUREAU D'ADRESSE (1669-1707?)

1Titres Liste des Avis du Bureau d'Adresse pour servir depuis... (1669-1670).

Journal [de la ville de Paris] des avis et des affaires de Paris [de Colletet] (1676).

Liste des avis du Journal général de France ou Bureau de Rencontre du... (1681).

Liste générale du Bureau d'Adresse, et d'Avis [ou/et de Rencontre, estably] par privilège du Roy [en la place Dauphine] (1688-1689).

Liste des avis du Journal général de France, ou Bureau de Rencontre, pour servir au public depuis le... (1693).

Liste des Avis qui ont été envoïez au Bureau d'Adresse et de Rencontre pendant... (1703-1707).

2Dates Aucune des cinq Listes n'a duré bien longtemps. Le placard in-folio Du Bureau d'Adresse restably pour la commodité publique, ruë Thibaut-aux-dez, au carrefour de la rue des Bourdonnois annonce que la première Liste débutera très précisément le 15 novembre 1669. Il s'agit d'un bimensuel paraissant le 1er et le 15 de chaque mois. Il en subsiste deux exemplaires, l'un du 16 décembre 1669, l'autre du 1er janvier 1670. Nul doute qu'il ait au moins duré quelques mois. Après le Journal de Colletet, la deuxième Liste, celle de Donneau de Visé, fut publiée pendant deux mois et cessa, interdite par le lieutenant général de police La Reynie. Hebdomadaire distribué tous les jeudis, elle parut entre le 9 octobre 1681 (nº I) et le 27 novembre suivant (nº VIII effectivement paru, puisque mentionné dans la correspondance entre La Reynie et le commissaire Delamare). Seuls sont conservés les nº III, IV et V (23 et 30 oct., 6 nov.). La troisième Liste eut plus de chance et paraît avoir vécu près d'un an, peut-être plus. Son premier exemplaire connu, daté du 10 juillet 1688, fait allusion à une feuille précédente qui a pu paraître à la fin de juin. D'abord annoncée comme bimensuelle (Liste du 7 août 1688), elle paraît être devenue mensuelle à l'automne suivant. Sept seulement sont connues: 10 juillet, 7 août, novembre 1688, 1er février, 1er mars, 1er avril et 1er mai 1689. Seul a été conservé le nº I (2 déc. 1693) de la quatrième Liste annoncée comme devant paraître «tous les mercredys, de quinze jours en quinze jours». Combien de temps dura-t-elle? Dernière du lot, la Liste de 1703-1707 vécut le plus longtemps, plusieurs années semble-t-il. Débutant le 1er mai 1703 (avis de la seconde quinzaine d'avril), elle existe encore en 1705, reparaissant le 15 janvier (nº I), «après avoir discontinué [...] depuis les vacances»: cette première Liste de 1705 reproduit en son entier le privilège de librairie, alors obtenu par Jean Amilien, directeur du Bureau d'Adresse, privilège daté du 11 janvier 1705. Après avoir «été interrompue pendant plus de six mois» (Liste, 15 juin 1707), cette cinquième Liste reprend le 15 juin 1707, dernier numéro connu. Paraissant d'abord le 1er et le 15 de chaque mois, elle finit par devenir mensuelle. Comme Jean Amilien est resté directeur du Bureau d'Adresse, au moins nominalement, jusqu'en 1718, on peut supposer que sa Liste a pu durer beaucoup plus longtemps que ne l'indiquent les collections très lacunaires qui en sont conservées (neuf numéros pour 1703, nº I-X, 1er mai - 15 oct. — manque le nº II du 15 mai —, nº XIII de juil. 1704, nº I et II des 15 et 31 janv. 1705, nº I du 15 juin 1707). Seule donc la Liste de Donneau de Visé est hebdomadaire, suivant en cela l'exemple du Journal de Colletet. Moins ambitieuses et plus sages, les quatre autres se contentent de paraître tous les quinze jours. Mais pour durer, deux d'entre elles, la troisième et la cinquième, sont forcées d'allonger encore leur périodicité en devenant mensuelles. Indice, parmi bien d'autres, du mal de vivre du Bureau d'Adresse.

3Description En dehors de la troisième, toutes les Listes ont adopté le format petit in-8º de 16 p. par fascicule (format le plus rogné, 107 x 152 ou 167; le moins, 123 ou 127 x 186). Curieusement — peut-être suit-elle l'exemple de Colletet? — la Liste de 1688-1689 a pris un plus grand format, 4 p. in-4º (161 à 182 x 198 à 237), lui permettant l'affichage mural, ainsi que le prouve son exemplaire du 1er février 1689, imprimé uniquement sur le recto: comme dans tous les numéros de cette Liste, les pages 1 et 4, imprimées en longues lignes, sont réservées à tout ce qui concerne la publicité des opérations du Bureau d'Adresse, alors qu'imprimées sur deux colonnes, les pages 2 et 3 sont consacrées aux avis. Les fascicules in-8º des autres Listes sont, sauf exception, précédés d'une page-frontispice, indiquant le titre et l'adresse de l'imprimeur ou du Bureau. En troisième page, après un rappel du titre coiffé d'une frise de palmettes (ce sont de petits dauphins, marque de l'imprimeur Blageart, pour les Listes de 1681), le texte débute sur une vignette. La première page des Listes de 1688-1689 est toujours ornée d'une frise de palmettes. Sortant d'une autre imprimerie, les deux dernières feuilles sont plus décorées: une vignette ouvre le texte, et les armes royales viennent s'ajouter au bandeau de palmettes le 1er mai 1689.

4Publication Il est très significatif que sauf un, tous les Bureaux d'Adresse de ces Listes soient domiciliés dans l'île de la Cité, dans ce quartier très actif au XVIIe siècle, entre le Marché neuf — là où Théophraste Renaudot avait lui aussi établi son premier Bureau —, le Palais et la place Dauphine. Le Bureau de 1681 est installé chez l'imprimeur Blageart ou à côté de son atelier, dans «la Court-neuve du Palais, au Dauphin, à la première Chambre». Celui de 1688-1689 est établi tout près, dans «l'enclos du Palais, Cour de Lamoignon, du costé du quay des Morfondus», puis émigre en novembre 1688 ou un peu avant «à l'entrée de la place Dauphine, du costé du Pont Neuf, entre l'Epicier et le Cabaretier». En 1693, le Bureau est situé «dans le Marché-Neuf, chez un Serrurier, attenant la Barrière des Sergens». Dix ans plus tard, le voici «au bout du Pont Neuf, au coin du Carrefour de l'Ecole, vis-à-vis la Samaritaine». Seul, le Bureau de 1669 est établi en dehors de la Cité. Il est vrai qu'il n'est pas installé bien loin, puisqu'on le trouve rive droite, «rue Thibault-aux-dez», derrière la Monnaie, paroisse Saint-Germain l'Auxerrois. Même Colletet a dû se résoudre à rejoindre ce quartier très actif. D'abord domicilié chez lui, «ruë du Meurier, proche Saint-Nicolas du Chardonnet», son Journal déménage pour s'établir près du Palais: «Je suis obligé d'avertir le Public, pour lequel je me consacre dans ce travail penible des affaires de Paris, que pour luy épargner beaucoup de peine et de pas, conformément à son intention, je me suis approché du Palais, où sera estably le Bureau d'Adresse pour lesdits Avis et Affaires; sçavoir sur le quay de l'Horloge du mesme Palais, autrement dit des Morfondus, qui regarde celuy de la Megisserie, et qui aboutit d'un bout au Cheval de bronze, et l'autre à la ruë de Harlay, contre un Notaire qui fait le coin de ladite ruë, à l'enseigne du Roy d'Angleterre. Les Affiches marqueront la porte» (nº 10, 1er oct. 1676). Lorsqu'au moment du système de Law, le mouvement des affaires s'intensifie rive droite, vers les rues des Lombards et Quimcampois, le Bureau d'Adresse, tout naturellement, se transporte dans ce quartier, rue Saint-Sauveur, près la rue Saint-Denis (1717-1718).

Deux imprimeurs seulement sont connus. La Liste de Donneau de Visé (1681) sort de chez l'imprimeur du Mercure galant, Claude Blageart, «Court-neuve du Palais, au Dauphin». Les Listes de 1703-1707 sont imprimées par Jean Boudot, «Imprimeur du Roy, et Libraire de l'Académie royale des Sciences, ruë Saint-Jacques, au Soleil d'Or». La Liste de 1688-1689 a fait appel aux services de deux imprimeurs dont nous ignorons les noms.

Les Listes étaient vendues au numéro. Le prix de la troisième (format in-4º) n'est pas indiqué. L'évolution du tarif des quatre autres, toutes du même petit format, suit les fluctuations du papier, dont le prix à la rame augmentait ou diminuait selon le poids de la fiscalité royale (voir G. Feyel, p. 69-75). Publiée avant l'accroissement des divers droits des années 1673, 1674 et 1680, la première (1669) était la moins coûteuse: 15 d. Après le maximum de 1681, 3 s. 6 d., le prix des autres diminue progressivement, malgré le maintien de la pression fiscale: 3 s. (1693), 2 s. 6 d. (1703-1707). Cette évolution répercute aussi le coût de l'impression proprement dite, très certainement chiffré différemment selon les imprimeurs. La première et la cinquième Listes étaient distribuées grâce à des dépôts établis dans les différents quartiers parisiens, 14 en 1669, 19 puis 17 en 1703-1707. Deux Listes précisent le tarif des enregistrements d'avis: en 1688-1689 et 1703-1707, il est de 15 s. S'il était nécessaire de répéter une seconde fois l'avis, il était gratuit (1688-1689) ou coûtait 5 s. (1703-1707). La troisième annonce et les suivantes était payées 5 s. dans les deux Listes.

5Collaborateurs Outre les Listes elles-mêmes, deux séries de documents permettent de restituer l'histoire du Bureau d'Adresse entre la fin des années 1660 et 1720: la correspondance entre le lieutenant général de police de Paris et le commissaire Delamare (B.N., ms. f. fr. 21741), dont Edouard Fournier (1878) avait bien vu tout l'intérêt, mais qu'il faut utiliser avec beaucoup de précautions parce que les rapports de Delamare sont bien souvent inexacts sur les points de détail, les dates, etc.; la série des baux de fermage du Bureau d'Adresse que nous avons retrouvés au Minutier central des notaires parisiens (A.N.).

En 1666, Furetière, dans son Roman bourgeois, mentionne deux fois l'existence du Bureau d'Adresse. Malgré l'opposition des six corps des marchands et du lieutenant général de police, la famille Renaudot a en effet cherché à perpétuer l'institution. Le 18 mai 1669, Théophraste II RENAUDOT (1610-1672), sieur de Boissemé, conseiller en la Cour des Monnaies, alors titulaire du privilège de la Gazette et des Bureaux d'Adresse, afferme l'exploitation d'un Bureau d'Adresse à Rouen. Nicolas Hue pourra «establir un Bureau d'Adresse en la ville de Rouen pareil à celuy qui est estably en cette ville de Paris», preuve qu'il en existait alors effectivement un dans la capitale. Les droits d'enregistrement qui s'y perçoivent sont encore de trois sous, comme au temps du premier Théophraste Renaudot. Cette cession est faite pour six ans, moyennant un fermage annuel de 200 livres chacune des deux premières années, 300 livres les années suivantes. Quatre jours après (22 mai 1669), Théophraste II traite du Bureau parisien avec Gilles Filleau, sieur Des Billettes, bourgeois de Paris, demeurant rue Neuve Saint-Honoré, paroisse Saint-Roch, le fondateur très probable de la première Liste, celle de novembre 1669. Le sieur Des Billettes se voyait interdire de s'occuper des «conditions serviles», réservées à un autre Bureau d'Adresse alors consacré au seul placement des domestiques, établi au Marché neuf; il ne pouvait également «s'ingérer de faire ny faire faire directement ny indirectement l'impression ou vente des Gazettes, Nouvelles ordinaires et extraordinaires [...] ny mesme tenir en ses bureaux des assemblées publiques pour débiter des nouvelles imprimées ou manuscrites de France ou estrangères». Hors ces restrictions d'importance, le nouveau directeur pourrait «establir un ou plusieurs Bureaux d'Adresse en cette ville fauxbourgs de Paris», «avec l'écriteau apposé sur la porte qui contient seulement ces mots Bureau d'Adresse», où il jouirait, dans toute leur plénitude, des droits attachés au privilège des Renaudot. Cela pendant neuf années, avec un fermage de 500 livres chacune des six premières années, et 1000 livres les années suivantes. Prévu pour le très long terme, ce bail pourrait être renouvelé tous les neuf ans — moyennant 900 livres de pot de vin. Il était même stipulé que la propriété du Bureau d'Adresse pourrait être vendue à Filleau Des Billettes 6000 livres après les neuf premières anées, 12 000 livres au bout de dix-huit ans. Manifestement, le Bureau n'eut pas le succès escompté et ferma au bout de quelques mois — c'est tout au moins ce qu'en dit le commissaire Delamare, dans le rapport assez mal informé qu'il proposa en 1718 au lieutenant général de police Machault d'Arnouville. Cet échec paraît avoir été provoqué par la méfiance toujours éveillée des six corps des marchands. La voie était libre, en tout cas, pour le Journal des avis et des affaires de Paris, qui dura lui aussi peu de temps, parce que les marchands y virent une concurrence déloyale. A partir de son nº 13 (21 oct. 1676), Colletet n'y proposa-t-il pas la vente d'objets qu'il avait en dépôt à son Bureau? «On nous a confié une belle et grande platine de cuivre, fort et bien conditionné avec son pied [...] Nous avons en dépost au Bureau une petite cassette de toilette de bois façonné, garnie de belles plaques de cuivre doré, avec sa clef et sa serrure [...] Nous avons en nostre disposition un beau tapis de table [...] Ce jour on nous apporta deux lustres à glace...». Alerté par les six corps, le lieutenant général de police La Reynie en référa à Colbert et reçut du roi l'ordre de supprimer le Journal, ce qu'il fit le lendemain 28 novembre 1676, par une ordonnance «portant défenses de composer, imprimer ou débiter de pareilles Listes, à peine de 3000 livres d'amende» (Correspondance administrative de Louis XIV, t. II, p. 369, et rapport du commissaire Delamare, déjà cité).

Après ce double échec, la famille Renaudot bailla de nouveau le Bureau d'Adresse à un certain Jean-Baptiste Poiret, mais reconnut, en juin 1681 (règlement de la succession d'Isaac, frère de Théophraste II et d'Eusèbe, tous fils du grand Renaudot), que ce contrat «n'a point eu d'effet». C'est alors, qu'assuré de la faveur royale, DONNEAU DE VISÉ «prit de M. l'abbé Renaudot une cession de son privilege, il établit le Bureau et recommença d'y faire faire le commerce par ses Commis» (rapport de Delamare). Les même errements produisirent les mêmes effets. Vendant à son Bureau des meubles et autres objets, il s'attira l'hostilité du lieutenant général de police. Deux lettres de La Reynie à Delamare sont fort explicites sur ce point. «Les six corps des marchands m'ont fait de grandes plaintes contre Monsieur de Visé de ce que sous pretexte des avis qu'il fait donner dans le Journal du Bureau de rencontre, on fait des magasins dans lesquels on porte toutes sortes de choses pour les y vendre, ou pour les troquer. Et comme non seulement les six corps des marchands, mais encore les Communautez des artisans de Paris ont un grand interest de s'opposer à cet establissement et qu'il en reviendroit un grand prejudice au publicq, vous prendrez soing de veoir Monsieur de Visé et l'en advertir de ma part afin qu'il fasse cesser aussy tost ce qui se fait à cet egard» (25 nov. 1681). «J'ai receu deux lettre de M. de Visé que j'ay lues et que je vous prie de luy rendre. Je ne veux point me prevaloir des raisons qu'il a escrites contre ses propres interests, je souhaiterois au contraire de le pouvoir favoriser et que le bien publicq ne m'en ostat pas le moyen comme il fait en cette occasion. On a vainement essayé du vivant du feu Roy et du vivant de M. le Card. de Richelieu qui protegeait Renaudot d'establir ce que M. de Visé entreprend de faire reussir; on en a fait depuis une infinité de tentatives et toutes les fois qu'on s'est mis en devoir de faire le moindre establissement qui en approchat, je m'y suis opposé de tout mon pouvoir depuis quatorze ou quinze ans que je suis obligé d'entendre parler et de prendre quelque connoissance des affaires publiques; les raisons dont M. de Visé se sert et d'autres encore beaucoup plus fortes et plus specieuses ont esté examinées et rejetées plusieurs fois et je ne consentiray jamais à quoy que ce soit qui put favoriser un bureau et un marché publicq, capable de ramasser tout le commerce de Paris et susceptible d'un nombre presque infini d'inconvenients tres dangereux. Le bureau peut estre bureau de rencontre par les advis, mais ce ne doit pas estre un magasin ni un lieu de vente et de debit. Je trouve fort mauvais qu'on ayt, sous pretexte de la Liste des advis que j'ay cru pouvoir estre utile au publicq, commencé cet autre establissement et plus encore qu'on ayt mis dans la Liste du jeudi 27 de ce moy la preface qu'on y a mise et que sans ceremonie et sans douter de quoy que ce soit, on ayt proposé au publicq l'establissement de ce bureau ou magasin, comme une chose toute faite et toute libre. Il est necessaire que le publicq soit informé par la mesme voye que tout cela se réduict aux simples advis, car autrement je ne pourray me dispenser de defendre les advis et la Liste mesme qui a été capable de produire un tel effet» (29 nov. 1681). Donneau de Visé se le tint pour dit. Ne voulant pas se satisfaire de «simples avis», il ferma son Bureau.

Pendant que le Bureau d'Adresse menait cette existence chaotique, si souvent interrompue, le Bureau des «conditions serviles» du Marché neuf avait une vie sans histoire, peut-être un peu trop tranquille au gré de ses directeurs successifs. Le 14 avril 1671, Pierre Milhau, bourgeois de Paris, en continuait l'exploitation en traitant sous seing privé avec Théophraste II Renaudot. Le bail était passé pour cinq ans, moyennant un fermage de 450 livres par an. Est-ce ce même Milhau qui publia un prospectus de 16 p. (format 118 x 174) en 1678, pour relancer son entreprise? Le Bureau d'Adresse, établi pour les Maistres qui cherchent des Serviteurs, et pour les Serviteurs qui cherchent des Maistres débute sur une préface: «La conjoncture de la paix à laquelle nous touchons, qui va rétablir le commerce, ramener l'abondance, et faire fleurir les arts, a fait naistre la pensée de remettre le Bureau d'Adresse pour les Conditions, dans son ancienne splendeur. Dans le commencement de son établissement il y a cinquante ans, tout le monde convint que c'estoit une chose très bien imaginée. Chacun donna dedans, et il n'y eut personne qui n'y trouvast ses commoditez et ses avantages. On se relacha dans la suite, et comme si la facilité d'y trouver les choses, en eust éteint le désir et fait perdre l'empressement, il est arrivé par la suite du temps, qu'on a négligé de recourir au Bureau d'Adresse, bien qu'il soit également commode et nécessaire à tous». Toujours établi au Marché neuf, «vers le milieu, du costé de la rivière, vis-à-vis un Tablettier», le Bureau des «conditions serviles» enregistrait, contre un droit de 15 sous, les offres et demandes d'emplois domestiques.

Nouveau titulaire du privilège de la Gazette et des Bureaux d'Adresse (1679), l'abbé Eusèbe RENAUDOT (1648-1720), un petit-fils du fondateur, se décharge assez rapidement de l'exploitation des Bureaux sur son «commis», Nicolas Bardou, bourgeois de Paris (sur ce dernier, voir G. Feyel, p. 14). Le 23 décembre 1687, Bardou est investi de tous les droits de Renaudot dans «l'établissement des bureaux ou registres d'adresse et de rencontre de toutes les commodités réciproques des sujets de Sa Majesté en toutes les villes et lieux de son obéissance». «Ce transport fait moyennant bon paiement» — une fausse vente en quelque sorte, puisqu'aucun prix n'est indiqu頗, va permettre à Bardou de traiter directement des Bureaux d'Adresse, sans en importuner son maître, trop occupé par ses chères études et la rédaction de la Gazette. Selon l'acte, il existe désormais à Paris trois Bureaux. Le Bureau que l'on pourrait appeler d'avis, dont la direction est alors louée à un certain sieur de Saint-Ange depuis le 1er avril 1684, moyennant un fermage annuel de 300 livres, le Bureau des «conditions serviles et droit de placer aprentis, garçons de boutiques, gens de mestiers, lacquais, servantes et autres personnes de quelque qualité qu'ils puissent être», et, troisième Bureau, le «privilège et permission de placer les garçons cabaretiers et traitteurs».

Tout de suite, Nicolas Bardou se met au travail. Le lendemain, 24 décembre 1687, il afferme pour neuf ans à Claude Brunel, sieur du Mesnil, demeurant rue des Vieux Augustins, paroisse Saint-Eustache, le Bureau d'avis et le Bureau des «conditions serviles», contre 600 livres chaque année. Fort échaudé par les expériences précédentes, Bardou prend ses précautions: «Ledit sieur preneur, ses commis et ayants cause ne pourront s'ingérer de faire imprimer dans les Listes, ny faire lire aucunes nouvelles de celles qui s'impriment dans les gazettes dudit sieur Renaudot [...], ledit sieur cédant ne demeurera point garant envers qui que ce soit des articles que le preneur pourra employer sur ses journaux dont ledit preneur sera responsable à ses frais et dépens [...], et encore à condition que généralement tous les establissements que ledit sieur preneur pourra faire en vertu du présent transport se feront de l'agrément de Messieurs les Magistrats». Entré en jouissance de son bail le 1er janvier 1688, Claude Brunel est donc le fondateur de la troisième Liste, celle de 1688-1689. Meurt-il prématurément, préfère-t-il abandonner son Bureau? Il est rapidement remplacé par un certain Chaumat qui au début de décembre 1688 demande au lieutenant général de police la permission de continuer à faire imprimer les Listes chaque mois. Comme ces deux hommes gèrent aussi le Bureau des «conditions serviles», on comprend que les Listes lui donnent de la publicité: «Pour ce qui est du Bureau d'Adresse concernant les domestiques de toutes les qualitez qu'on les peut souhaiter, ce n'est pas une chose nouvelle, il y a longtemps qu'il est estably, et plusieurs personnes pourraient encore rendre témoignage de l'utilité et commoditez que produit cet établissement si nécessaire au public [...]» (Liste, 10 juil. 1688). Rendus prudents par les malheurs de Colletet et Donneau de Visé, les nouveaux directeurs prennent bien soin d'affirmer, sur chacune de leurs Listes, tel un leitmotiv, que leur Bureau «n'est estably que pour l'indication seulement» (nov. 1688). Ils insistent: «Les commis du Bureau n'entrent de leurs chefs dans aucune affaire, toutes leurs obligations se renferment à recevoir les avis et déclarations de ceux qui se presenteront au Bureau, lequel n'est étably que pour l'indication purement et simplement» (1er mars 1689). Attentivement surveillé par La Reynie et Delamare — ses Listes sont censurées par la police —, Chaumat ne trouve pas tout le profit qu'il pouvait espérer et finit par abandonner l'affaire. Nouvel essai en 1693: alors dirigé par le nommé Du Manuel, le Bureau d'Adresse ne parvient toujours pas à s'installer dans la durée.

L'expérience de 1703 fut beaucoup plus longue, et se poursuivit bien au-delà du dernier numéro connu de la cinquième Liste (15 juin 1707). Le 27 février 1703, Jean Amilien, bourgeois de Paris, domicilié rue des Bernardins, paroisse Saint-Nicolas du Chardonnet, prend à bail les Bureaux d'Adresse pour dix ans. Le 26 avril 1713 — il demeure alors Cloistre et paroisse Saint-Germain l'Auxerrois —, il renouvelle son bail. Etant donné la difficulté des temps — la guerre de succession d'Espagne —, et les malheureuses expériences précédentes, l'abbé Renaudot et son fidèle Nicolas Bardou sont beaucoup moins gourmands, ne demandant qu'un fermage de 200 livres chacune des quatre premières années, 300 livres les années suivantes (clauses de 1703, maintenues à l'identique en 1713). Mais ils interdisent à Amilien de nuire aux corps des marchands, puisque le contrat précise que ce dernier ne pourra faire aucun Bureau «que conformément aux ordonnances de police, règlement des Corps de Mestiers et avec la permission des Magistrats et juges des lieux». Amilien s'étant vu forcer de prendre un privilège de librairie pour la diffusion de ses Listes (1705) — il faut voir là les effets de la politique du chancelier Pontchartrain, du directeur de la Librairie l'abbé Bignon et du lieutenant général de police Voyer d'Argenson qui censure et impose son visa sur chacune des Listes —, le bail de 1713 prend soin de préciser qu'il pourra «obtenir toutes permissions que besoin sera pour faire faire toutes impressions concernant les choses dépendantes desdits Bureau d'adresse et de rencontre, sans aucune exception telle qu'elle puisse être». Au-delà de leur éclipse passagère de 1706, les Bureaux d'Amilien — il a en charge les avis, mais aussi les «conditions serviles» (placement des domestiques, garçons chirurgiens, perruquiers, etc.) —, paraissent avoir vécu jusqu'à la fin du règne de Louis XIV. C'est alors qu'en 1717-1718, de nouveaux venus, espérant bien sûr quelques gros profits des effets du système de Law, parviennent à déposséder Amilien de son bail. L'affaire est assez embrouillée. Amilien, ne s'occupant plus des Bureaux, en aurait cédé la gestion sans en avertir l'abbé Renaudot. En septembre 1717, en accord avec ce dernier (?), un nouveau «Bureau général privilégié d'Adresse et de Rencontre» est établi rue Saint-Sauveur, près la rue Saint-Denis, paroisse Saint-Sauveur, sous la direction de Claude Léonard Prieur, «lieutenant de la Varenne du Louvre» et «marchand joaillier suivant la Cour». Associé avec Gabriel Montmerqué, sieur des Chenayes, un financier, caissier des fermiers des aides de la généralité d'Alençon, alors domicilié rue Coq Héron, paroisse Saint-Eustache, Prieur pousse Renaudot à obtenir la résiliation du bail Amilien. L'affaire est plaidée aux Requêtes de l'Hôtel en février 1718. Finalement, Amilien se désiste à l'amiable, moyennant 6000 livres que Prieur et Montmerqué s'engagent à lui verser en annuités de 400 livres. Le nouveau bail du Bureau d'Adresse est donc passé aux noms des deux compères, pour une durée de quinze ans (2 avril 1718). Bouleversant les fortunes et multipliant les échanges, l'expérience Law leur permet d'espérer de gros profits. Aussi n'hésitent-ils pas à rémunérer grassement la bienveillance de l'abbé Renaudot: le fermage annuel est fixé à l'énorme somme de 4000 livres. Un chiffre encore jamais vu, dont il faut aussi attribuer la démesure à la profonde dévaluation de la monnaie métallique et à la spéculation sur le papier-monnaie.

Pour lancer ses affaires, Prieur édite une nouvelle Liste, la sixième, dont nous n'avons aucun exemplaire, mais que le lieutenant général de police, Machault d'Arnouville, évoque dans sa correspondance avec le commissaire Delamare. Toujours revient l'éternel problème des ventes au Bureau d'Adresse et du mécontentement des six corps des marchands! Une première Liste est distribuée au début de février 1718, et aussitôt le zélé Delamare d'alerter son nouveau supérieur (Machault vient d'être nommé lieutenant général). Si son rapport n'est pas toujours exact — nous l'avons déjà dit —, retenons cependant ses conclusions qui ne peuvent être mises en doute: «Vous verrés, Monsieur, par la Liste que je prends la liberté de vous envoyer, que tous les abus qui l'ont fait fermer tant de fois y sont renouvelés, avec d'autres plus dangereux que l'on y ajoute. 1º: Les gens qui tiennent le Bureau y pretent sur gages dont ils retirent recompense. 2º: Ils sont les proxenetes pour faire preter de l'argent à intéret, sans que le fonds soit engagé, ils l'annoncent par leurs Listes et si on le leur souffre, c'est autoriser l'usure. 3º: Ils font de ce Bureau un magasin de boutique de toutes sortes de marchandises qu'ils vendent: ainsi, c'est être commissionnaire ou faire le regrat, l'un et l'autre est défendu (sic), vous en sçavez Monsieur les conséquences et vous en aurés bientôt des plaintes des six corps des marchands pour le neuf, des fripiers pour le vieux et des artisans pour leurs ouvrages. J'ai fait faire en marge des articles du petit livre quelques autres remarques particulieres dont quelques-unes ont semblé encore plus intéressantes. J'en ai fait faire l'extrait mieux écrit pour vous en faciliter la lecture.» Le 20 février 1718, Machault d'Arnouville remercie son subordonné: «Lorsque les six corps des marchands, les ouvriers et autres formeront des plaintes contre le Bureau d'Adresse, je les ecouteray volontiers. Je reconnois d'ailleurs combien ce Bureau abuse de son pretendu privilege et qu'il est necessaire de le restreindre ou de le faire supprimer. J'ay examiné aussy la Liste imprimée sans permission et l'on m'a promis qu'à l'avenir on me la remettra avant de la faire imprimer». Il ajoute, le 24 février: «Sur ce que vous m'avez mandé concernant les Listes du Bureau d'Adresse, je me suis fait representer le manuscrit de la première Liste qui doit estre imprimée [il s'agit bien évidemment de la première Liste à venir, c'est-à-dire de son deuxième numéro, celui de mars 1718]. Je vous prie de l'examiner et de marquer tous les articles que vous estimez devoir estre retranchez pour l'interest des marchands et ouvriers de cette ville de Paris. Je suis persuadé qu'il convient d'abolir ce Bureau ou du moins d'en restreindre infiniment le privilege. On me presse de rendre le manuscrit».

A lire le Dictionnaire universel du commerce de Savary Des Bruslons (et non le Dictionnaire de Trévoux, ainsi que l'indique par erreur Hatin), il semblerait que Prieur ait gouverné son Bureau jusqu'en 1723. A cette date, le Bureau d'Adresse aurait été remplacé par un Magasin général, fondé par Hubert Houdar, marchand mercier, joaillier et banquier, l'un des officiers de la garde-robe du roi. Ce dernier a effectivement obtenu un privilège royal pour faire imprimer pendant vingt ans, «autant de fois qu'il le jugera à propos [...] un livret qui contiendra les différentes espèces de marchandises de mercerie et joyalerie qu'il aura dans ses magasins, et qui devront estre venduës et débitées [...] à condition néanmoins que chaque fois qu'il le fera imprimer, il sera tenu d'en fournir un exemplaire à notre amé et féal le Sieur Lieutenant général de Police de notre bonne ville de Paris, qui pourra, si bon luy semble, se transporter, ou faire transporter tel officier de police qu'il voudra commettre, à l'effet de vérifier si les marchandises mentionnées dans le livret se trouveront en nature dans le magasin de l'exposant» (30 juin 1722). Un arrêt du Conseil d'Etat organise le 5 juillet 1723 une commission de maîtres des requêtes, présidée par le lieutenant général de police, chargée de juger toutes les contestations qui pourraient s'élever lors de la vente des «meubles, bijoux, marchandises et autres effets» confiés au Bureau. L'Avis au public sur l'établissement du Magasin général à l'Hôtel Jabach, ruë Neuve Saint-Merry, à Paris est très explicite. Le Magasin général est bien un lieu où l'on peut venir déposer toutes marchandises que l'on veut vendre. Elles y sont estimées «entre les propriétaires et les estimateurs, pour la seureté des acheteurs», puis enregistrées. «Les Registres sont paraphez par M. le Lieutenant général de police. Il en sera fait, sous ses ordres, des inventaires généraux du Magasin; et on donnera aussi tous les mois une Liste détaillée de toutes les marchandises, afin que chacun voye ce qui pourra luy convenir». «Aussitôt que la vente sera faite, on en donnera avis au propriétaire de la marchandise, afin qu'il vienne en recevoir le prix, à la déduction du sol pour livre seulement, pour frais des magasins, commission et autres». Selon Savary Des Bruslons, le Magasin général était dirigé par MM. de Grom et Gerard. Ce nouvel établissement dépend-il toujours du privilège des Bureaux d'Adresse, ainsi que le suggère le Dictionnaire universel du commerce? Au niveau du vocabulaire, rien n'y rappelle le privilège des Renaudot, même si le Magasin général est organisé comme les anciens Bureaux. Notons enfin que sa seule installation est une rupture considérable dans la politique suivie jusque-là. Après tous les essais plus ou moins avortés des soixante années précédentes, voilà en tout cas une revanche posthume éclatante pour Théophraste Renaudot et Donneau de Visé! Les six corps des marchands ont-ils laissé faire? Le Magasin général a-t-il vécu bien longtemps?

6Contenu Toutes les Listes ambitionnent d'établir une communication entre ceux qui offrent et ceux qui demandent un bien foncier, un objet, un service. Selon Donneau de Visé, «ce canal donnera lieu réciproquement à tous les particuliers de se rendre service les uns aux autres, et ils trouveront ce qu'ils souhaitent sans soin, sans recherche, sans peine, sans sortir de chez eux, presque pour rien, et par un seul quart d'heure de lecture» (Prospectus, 1681). Comme s'il était indécent de commencer directement sur les avis — ce que feront les Annonces, affiches et avis divers de la seconde moitié du XVIIIe siècle —, les Listes débutent toujours par un texte plus ou moins long, une sorte de préface ou d'introduction, un «avertissement» (Listes de 1703-1707), où le directeur vante les opérations de son Bureau d'Adresse. Il faut par exemple indiquer au lecteur qu'il ne s'agit pas d'une feuille périodique comme les autres, et qu'une partie du contenu doit être répétée une fois sur l'autre, afin d'assurer une bonne publicité: «Il faut à l'occasion satisfaire icy à la plainte de quelques-uns contre ces Listes, prétendans qu'elles ne soient toutes que la même chose, sous prétexte seulement qu'ils ont pu voir en chacune, peut-estre 10 ou 12, ou fort peu plus d'avis de l'une en l'autre [...] ils doivent, une fois pour toutes, considérer qu'à peine voit-on jamais trois fois de suite cinq ou six avis de choses à vendre ou demandées, si elles ne sont d'une grande conséquence; et qu'à l'égard de ceux qui font sçavoir leur demeure et les choses qu'ils débitent, et de ceux qui ont coutume d'afficher, ils doivent nécessairement estre repetez non seulement trois ou quatre fois, mais toujours, puisqu'il y a continuellement des gens nouveaux qui ont besoin de les connoistre. Et ainsi ce petit nombre d'avis renouvellez, outre qu'il n'est pas considérable à proportion des nouveaux, pour faire qu'on songe à espargner 15 deniers pour les voir, est même une chose nécessaire à tout le monde, pour trouver à point nommé de certaines gens dont on peut avoir affaire» (15 janv. 1669). Il faut aussi montrer concrètement l'utilité des Listes: «Nous sommes bien-aise de dire aussi en passant, que l'emmeublement de Damas cramoisi de Genes qui avoit coûté onze mil livres, marqué dans l'article 21 du premier livre, a été vendu par la connoissance que nous en avons donnée au public; comme aussi plusieurs maisons de campagne, dont l'acquisition s'est faite par les avis du même livre que nous distribuons tous les quinze jours» (15 juin 1703). Infiniment répétitifs, ces textes mêlent parfois ces quelques arguments publicitaires à d'autres considérations telles que la gloire du roi, l'immensité de la ville de Paris, l'importance de son commerce, etc. Le rédacteur de la Liste de 1688-1689 est un expert dans ce genre de littérature: «Paris, par son immensité estant regardé comme la patrie commune de tout le Royaume, et s'y trouvant des gens de toutes les Nations, non seulement dans le commerce général, mais dans le particulier, tout devient egalement interessé à découvrir ce qui tombe dans la nécessité du service, et dans le dessein du commerce; c'est de là qu'on a pris grands soins de rétablir le Bureau d'Adresse et de Rencontre» (1er mars 1689). «Pendant que toute l'Europe armée contre la France travaille à porter la gloire du Roy jusqu'à l'immortalité, pendant que son nom seul fait trembler l'Univers, et qu'il porte la terreur et la crainte jusque sur les trosnes et jusqu'au cœur des armées les plus nombreuses [...] Paris n'est pas seulement la capitale du royaume, mais celle du monde» (1er mai 1689). Notons ici que Colletet, dont tous les journaux étaient également précédés de ce genre de préface, savait lui aussi tourner ce type de compliments, au milieu d'arguments proprement publicitaires.

Après cette introduction, viennent les différentes rubriques d'avis. Les deux premières Listes sont structurées à l'identique: quatre rubriques s'y succèdent. Les trois premières regardent l'offre: «Immeubles à louer, vendre ou échanger», «Meubles meublants à vendre», «Choses diverses». La dernière présente les «Demandes». La Liste de 1688-1689 s'embarrasse moins de détails, mais a exactement le même genre de contenu. Après l'introduction imprimée en longues lignes sur la première page, deux rubriques lui suffisent, insérées sur deux colonnes, p. 2 et 3: «A vendre» et «Demandes». Les Listes de 1693 et 1703-1705 préfèrent de nouveau distinguer immmeubles et autres biens: «Immeubles», «Meubles» et «Demandes» (1693), «Terres, maisons, et autres immeubles à vendre», «Choses diverses à vendre» et «Demandes» (1703). «Maisons à vendre et à louer», «Boutiques à louer», «Choses curieuses à vendre», «Livres à vendre», «Demandes» (1705). En dehors de la Liste de 1693, tous les avis sont numérotés par rapport aux registres dont ils sont extraits (1669, 1681, 1703) ou bien selon chaque Liste (1688-1689, 1705). Voici un ou deux avis pris parmi les «Choses diverses» ou les «Demandes»: «97. On veut vendre un grand tableau de pres de dix pieds de long, y compris la bordure, sur cinq pieds de large, ou environ. Il est tres beau, et original du Sceneidre (sic). Il represente un vieillard chargé de fruits, et un petit garçon qui luy coupe sa bourse, cependant qu'il entre dans un lieu plein de gibier diversement étendu sur la place. Il est au Bureau» (30 oct. 1681). «Les journaux des Sçavans depuis 1665, qu'ils ont commencé à paroistre, jusqu'en 1687 en 15 volumes in-12 de l'Impression d'Amsterdam, du prix de 45 livres» (nov. 1688). «75. On demande deux petits lits de Damas de Gènes, rouge ou vert, ou aurore et vert, ou aurore et rouge, ou de tapisserie. On n'y veut ny or ny argent, mais on les demande fort propres. On y mettra depuis cinq cens jusques à mille livres. Adresse au Bureau» (30 oct. 1681).

La publicité proprement dite pour tel ou tel produit, tel ou tel service ou autre «secret» s'introduit dès 1681, dans les «Choses diverses»: «56. On a trouvé un secret pour remédier aux incommoditez de la fumée, et empescher par une manière toute extraordinaire, que le Soleil, les vents, les pluyes et neiges, et les brouillards, n'entrent dans les tuyaux des cheminées, et ne les fassent fumer, en quelque exposition et scituation qu'elles puissent estre, sans abattre ny les manteaux ny les tuyaux, et sans qu'il faille rien changer, tant intérieurement qu'extérieurement. On est si assuré de l'évenement, que l'on ne demande point d'estre payé, que l'expérience ne soit faite, ou qu'on ne s'oblige à la garantie. Adresse à M. Messier, Architecte et Maistre Maçon à Paris, demeurant sur les Fossez de Saint-Victor, proche les Peres de la Doctrine chrestienne» (23 oct. 1681). On peut aussi trouver ces publicités dans une rubrique «Avis» venant après toutes les autres, mais précédant «l'Avis», «l'Avertissement», les «Avis généraux» ou la liste des Bureaux de distribution, toutes ultimes rubriques où le Bureau d'Adresse fait l'apologie des services qu'il peut rendre. Voici par exemple l'une de ces publicités pharmaceutiques qu'on retrouvera si souvent par la suite, dans la presse du XVIIIe siècle: «On avertit qu'encore que le chevalier Talbot, medecin anglois, soit retourné à Londres, on ne laisse pas de trouver toujours son veritable remede à Paris. C'est M. Smith son associé qui le distribue. Il loge à Paris dans la ruë Saint-Thomas du Louvre, vis-à-vis l'Hostel de Longueville, où logeoit le chevalier Talbot» (6 nov. 1681). En 1688-1689, les avis publicitaires ne savent littéralement pas où se mettre. On les trouve soit au bas de la seconde colonne de la troisième page, après la rubrique «Demandes», soit au début de la page 4, avant les «Avis généraux», alors imprimés en longues lignes comme ces derniers. Ils sont donc en quelque sorte en dehors du cadre des rubriques, souvent mis en valeur par l'emploi de caractères italiques. Quelques exemples, souvent répétés plusieurs fois: «Le sieur Rolas ruë Sainte-Marguerite, fauxbourg Saint-Germain, entre un Perruquier et un Chandelier, premiere chambre, enseigne le toisé, l'arpentage, les fractions, les changes, l'arithmétique en toutes ses parties en un mois de temps, lorsqu'on sçaura les quatre regles, et plusieurs autres belles sciences par une methode courte et tres facile; et du tout donne des leçons par écrit». «Le sieur Mouillard bon Praticien et Arpenteur, logé rue de la Huchette à la Tour d'argent, donne avis aux Seigneurs et Dames qui voudront faire renouveller leurs papiers terriers et avoir des plans de leurs Seigneuries pour voir l'étendue de leurs Censives; comme aussi à ceux qui ont des heritages à la campagne, et qui en veulent avoir des cartes avec la contenance d'iceux par figure, pour empescher les usurpations, qu'il le fera, et pour seureté de sa conduite donnera bonne caution à Paris». «Le sieur Legeret, Maistre Menuisier à Paris, rue Saint-Louis, Isle Notre Dame, donne avis qu'il fait et vend une machine fort legere et portative, par luy depuis peu inventée, qui coupe la paille aussi menuë qu'est l'avoine: ce qui fait que les chevaux la mangent plus facilement, surtout lorsqu'on y mêle un peu d'avoine». En 1703, la rubrique «Avis» contient la réponse à une demande d'un particulier qui voulait savoir comment faire pour entrer à l'Académie de peinture et sculpture. Ce long texte de deux pages qui est peut-être déjà une publicité rédactionnelle, déguisée, est suivi par un avis très clairement publicitaire où un sieur Didelet, écrivain et arithméticien annonce qu'il enseigne son art «dans un tres bel air et dans un lieu fort agréable, qui est la ville de Lagny, où il prend des pensionnaires». Suit une dernière rubrique, assez rare pour être remarquée, mentionnant les «Livres nouveaux». Rubrique toujours présente en 1705, alors suivie d'«Autres Avis», tel celui-ci: «58. Les Seigneurs et Dames de la Cour, et le public sont avertis que le sieur Daumont, seul privilégié suivant la Cour, débite toujours, ruë de la Huchette, à l'Enseigne du Messager de Montpellier, les véritables syrops de Capillaire du Canada et de Montpellier, Eaux de la Reine de Hongrie, Eau de Thym, Eau Impériale, Huile de Pétrole de Gabian, Eau de Cordouë, Eau de fleurs d'orangers double, Eau de Cette, Vin muscat, Vin de S. Laurent, et autres liqueurs qu'il faut faire venir des Pays étrangers». Comme en son premier numéro de 1707, la Liste manque quelque peu de copie, son rédacteur y a inséré une très longue publicité rédactionnelle (9. p.), la «Lettre de M. B. D. M. à M. l'Abbé de Vallemont, en luy envoyant l'Analise de l'eau naturelle et minerale de la source de feu M. Billet, de la Croix Fauschin à Paris». Clin d'œil de l'histoire? Les illustres Guy Patin et Théophraste Renaudot y sont en quelque sorte réconciliés dans leur goût commun pour cette eau minérale!

Ces quelques exemples suffisent à prouver qu'avec ces Listes nous sommes aux origines de la publicité de presse. Une publicité que refuse la Gazette, même si ses réimpressions provinciales lui sont fort accueillantes dès les années 1680 (voir Feyel, p. 146-167). Une publicité que les gazettes de Hollande commencent d'insérer en ces mêmes années 1680-1690. Voilà donc retrouvé le chaînon manquant reliant les anticipations de Théophraste Renaudot aux Annonces, affiches et avis divers de la seconde moitié du XVIIIe siècle.

7Exemplaires B.N., ms. f. fr. 21741 (fonds Delamare) contient la plupart des Listes encore conservées, outre la correspondance entre le commissaire Delamare et le lieutenant général de police (fº 218-232). Liste de 1669-1670: placard annonçant sa création, fº 290, et feuille du 1er janvier 1670, fº 234. Prospectus de 1681, Journal general de France, ou Inventaire des adresses du Bureau de Rencontre...: fº 245. Liste de 1688-1689: feuille du 7 août 1688 (fº 254), copie manuscrite de la feuille de novembre 1688 (fº 256 et 276), feuilles des 1er février (fº 258 et 274), 1er mars (fº 260), 1er avril (fº 262) et 1er mai 1689 (fº 264). Liste de 1693: feuille du 2 décembre 1693 (fº 266). Prospectus de la Liste de 1703-1707, Retablissement du Bureau d'Adresse et de Rencontre: fº 278. Prospectus du Bureau des «conditions serviles», 1678, Le Bureau d'Adresse, etabli pour les Maistres qui cherchent des Serviteurs, et pour les Serviteurs qui cherchent des Maistres: fº 208.

Autres collections. Liste de 1669-1670: 16 déc. 1669 (Maz., A. 11141 pièce 25). Liste de 1681: Journal general de France, ou Inventaire des adresses du Bureau de Rencontre (Maz., A. 15197 pièce 12); nº III, 23 oct. 1681, dont il manque les p. 13-16, et nº V, 6 nov. 1681, dont il manque les p. 3-4 (Maz., 36442 pièce 5); nº IV, 30 oct. 1681 (B.N., 8º V. pièce 18599). Liste de 1688: 10 juil. 1688, dont il manque les p. 3-4 (Maz., A. 15424 pièce 44, Rés.). Liste de 1703-1707: Retablissement du Bureau d'Adresse et de Rencontre (Maz., 42914 pièce 7), nº I-X, 1er mai - 15 oct. 1703, manque le nº II (B.N., V. 45066), nº IV, 15 juin 1703 (Maz., A. 15456), nº XIII, juil. 1704 (B.N., V. 45067), nº I et II, 15 et 31 janv. 1705 (Maz., 42914 pièce 7), nº I, 15 juin 1707 (B.N., V. 45068).

Baux de fermage des Bureaux d'Adresse: A.N., Minutier central, liasses LXXXIV-176 (baux des 18 et 22 mai 1669), LXXXIV-181 (mention du bail Milhau d'avril 1671, dans l'inventaire après décès de Théophraste II Renaudot, 1672), XCVI-119 (mention du bail Poiret, dans le règlement de la succession d'Isaac Renaudot, juin 1681), CXVIII-150 (23 et 24 déc. 1687, transport de l'abbé Renaudot à Nicolas Bardou, bail Brunel du Mesnil), CXVIII-231 (27 févr. 1703, bail Amilien), XLII-286 (26 avril 1713, renouvellement du bail Amilien), LVIII-258 et 259 (28 janvier au 3 avril 1718, désistement d'Amilien, bail Montmerqué-Prieur).

Autres sources: B.N., ms. f. fr. 22084, fº 6, pièce imprimée de 4 p. in-folio sur le Magasin général d'Hubert Houdar (1722-1723); 21950, fº 977, nº 1284, enregistrement du privilège des Affiches de Paris, des provinces, et des pays étrangers, au nom de Jean Du Gono, sieur du Chablat.

8Bibliographie H.P.L.P., t. II. Savary des Bruslons, Dictionnaire universel du commerce, 1re éd., 1723, notice «Bureau de Rencontre». – E. Fournier, Le livre commode des adresses de Paris pour 1692, par Abraham du Pradel (Nicolas de Blegny), Paris, 1878, deux tomes. T. I, longue introduction (p. V-LX) où E. Fournier a fait le premier l'histoire du Bureau d'Adresse et de ses Listes entre 1669 et 1693, à partir du ms. f. fr. 21741. T. II, appendices, p. 302-385, reproduction du texte des Listes du 1er janv. 1670, 7 août 1688, 1er mars, 1er avril et 1er mai 1689, 2 décembre 1693. – Feyel.

Historique Pendant tout le règne de Louis XIV, la famille Renaudot s'est efforcée de maintenir, non sans difficultés, l'institution du Bureau d'Adresse. Lors des rétablissements successifs de ce Bureau, les directeurs ont publié une feuille périodique chargée de diffuser les «avis» — le mot est présent dans tous les titres des feuilles — que les particuliers y faisaient enregistrer. Certes, dès 1630, Théophraste Renaudot avait déjà employé ce terme, mais jamais dans l'intitulé de ses feuilles. Autre nouveauté, le mot «liste», apparu en 1669 et, à la seule exception du Journal des avis et des affaires de Paris (1676), constamment repris jusqu'en 1707. Renaudot préférait parler de «table».

Nous avons inséré parmi toutes ces Listes le Journal des avis et des affaires de Paris du poète François Colletet (voir sa notice particulière). S'étant vu interdire de continuer son Journal de la ville de Paris, où il faisait la part trop belle aux nouvelles de petite actualité, Colletet s'est très certainement abouché avec les Renaudot pour faire reparaître son journal. Notons la mutation du titre où les avis et affaires entrent en force, mutation confirmée par le contenu: après avoir persisté jusqu'au nº 3 (5-11 août 1676), les nouvelles parisiennes de petite actualité disparaissent définitivement du journal au bénéfice de trois rubriques d'avis: une première série d'annonces, chacune précédée par son titre en italiques, la rubrique «Avis et affaires de la semaine» où se succédaient les avis, datés du mercredi au mardi suivant, enfin la rubrique «Livres nouveaux». Dans les introductions qui ouvrent régulièrement son journal, Colletet reconnaît ça et là qu'il dépend du privilège du Bureau d'Adresse et que sa feuille vient après quelques autres: la ville de Paris «sçait le fruit qu'elle en a déjà tiré il y a quelques années» (p. 3, nº 1); il évoque ensuite plusieurs fois le «rétablissement» de ce «commerce innocent» (p. 13, 33, 113, nº 2, 5 et 14); après en avoir vanté tous les mérites, il reconnaît même explicitement la dépendance de son Bureau: «Ce trait de plume en passant n'est que pour confondre l'opinion malicieuse de ceux qui sement de faux bruits contre un Etablissement que Sa Majesté, après Louys XIII d'heureuse memoire, a trouvé aussi juste que necessaire. Ce grand Roy, qui veut tout établir pour le bien de ses Sujets, et qui connoist le bon et les consequences de toutes choses, a préveu de quelle utilité seroit nostre Bureau d'Adresse, puisqu'il en a voulu confirmer les Lettres patentes»; un Bureau qu'il appelle «Bureau d'Adresse» dès son nº 2 (p. 18), où il tient registre, ainsi que le faisait Théophraste Renaudot (voir la notice Feuille du Bureau d'Adresse) des «Avis et mémoires, affiches, billets, ventes, achapts, pertes, secrets, etc.» qu'on voudra bien lui apporter.

Lorsqu'à son tour Donneau de Visé, le fondateur du Mercure galant, prend la direction du Bureau d'Adresse, il publie un prospectus qui dans son titre et son contenu réunit la tradition de Renaudot et les innovations de Colletet: le Journal general de France, ou Inventaire des adresses du Bureau de Rencontre ou chacun peut donner et recevoir avis de toutes les necessitez et commoditez de la vie et societé humaine. Par permission du Roy contenue en ses Brevets, Arrests de son Conseil d'Etat, Declaration, Privilege, Confirmation, Arrest de sa Cour de Parlement, Sentences, et Jugemens donnez en conséquence, une brochure de 20 p. (dont 4 non imprimées), in-4º, 168 x 212, imprimée «A Paris, chez Claude Blageart, Court-neuve du Palais, Au Dauphin, MDCLXXXI». Innovations de Colletet? Ce titre de Journal general de France, où le mot Journal ne vient pas de Renaudot, mais bien de Colletet et de son Journal des avis et affaires de Paris. Dans l'introduction de son prospectus, Donneau de Visé reconnaît son emprunt. Même si c'est pour en critiquer le contenu, il se place en successeur du Journal de Colletet, achevant de prouver que ce dernier a bien fait partie de la famille des feuilles du Bureau d'Adresse: «Ce Journal a esté entrepris et quitté; ceux qui s'en sont meslez n'y ayant point donné les soins necessaires, et l'ayant remply d'Histoires et de Nouvelles qui n'y doivent point entrer; et quand mesme tout ce qu'on y a debité de cette nature auroit esté bon et vray, les meilleures choses ne plaisent point quand on les rencontre où on ne les cherche pas». Tradition de Renaudot? La seconde partie du titre, Inventaire des adresses du Bureau de Rencontre..., est la reprise exacte de l'intitulé de la brochure de 1630, où Théophraste Renaudot avait présenté les compétences de son Bureau d'Adresse (voir notice Feuille du Bureau d'Adresse). Donneau de Visé a véritablement démarqué le texte de son grand prédécesseur: après une introduction de six pages vient la longue énumération des «mémoires» — pas moins de 53 rubriques! — que pourra faire enregistrer le public au nouveau Bureau. Une longue liste où Donneau de Visé s'est beaucoup inspiré de Renaudot, et une introduction où son influence est bien marquée, ne serait-ce que par l'évocation de Montaigne, dès la première phrase: «Le fameux Montaigne, dont les Ecrits sont estimez de toute la Terre, est celuy qui a le premier donné la pensée de cet Etablissement. Il marque dans ses Essays, qu'il s'étonne qu'on n'ait point encore trouvé le moyen de faire que les Hommes se communiquent leurs pensées les uns aux autres». Bien sûr, le fondateur du Mercure galant ne s'est pas contenté d'emprunter. Il apporte des idées nouvelles. Par exemple cette intéressante réflexion sur l'affichage mural et les rapports que devront entretenir les placards et la presse. Preuve que depuis Renaudot, qui n'en parle pas, s'est beaucoup développée cette forme de publicité. Des réflexions neuves qui seront souvent reprises par la suite. Anticipant sur l'avenir, Donneau de Visé va jusqu'à employer le terme d'Affiches pour désigner sa feuille: «Si tous ceux qui veulent se défaire de choses de peu de conséquence, estoient obligez de les faire afficher, la dépense des Affiches monteroit souvent plus haut que la somme que produiroit ce qu'ils veulent vendre. Joignez à cela qu'il y a quantité de choses pour lesquelles on ne s'est point encore servy d'Affiches; mais la voye du Journal est plus abregée, et beaucoup plus seûre. Elle n'est point onéreuse, et fait voir si-tost qu'on l'a souhaité, tout ce qui peut entrer en commerce des necessitez de la vie, soit à Paris ou à la Campagne, par le moyen de cette Affiche mobile et universelle, que tout Paris verra tout-à-la-fois, et qu'on verra mesme dans toute la France; au lieu que les Affiches ne sont veuës que de ceux qui vont à pied, dont la plûpart mesme se font une espèce de honte de les regarder. Elles sont d'ailleurs d'une telle confusion, pour le grand nombre qu'on en trouve tous les jours, qu'on ne daigneroit y chercher celle dont on a besoin; en sorte qu'on ne remarque jamais que celles qui sautent aux yeux à cause qu'elles sont fraîches; ce qui dure encore si peu, qu'en moins de rien elles sont réduites au mesme état que les autres, ou sont couvertes par les nouvelles. Je laisse à examiner combien il en couste pour afficher inutilement, et à quoy montent les frais que font les Marchands et Artisans, pour les Planches et Billets imprimez qu'ils donnent à tout le monde pour se faire connoistre, et ainsi du reste». Sans grande imagination, les successeurs de Donneau de Visé se contenteront de répéter les intéressantes considération de ce prospectus. En 1693, l'un d'eux assume d'ailleurs complètement cette dette en reprenant mot pour mot le titre de la Liste de 1681. Comme celui de 1681, le prospectus de 1703, titré Retablissement du Bureau d'Adresse et de Rencontre, une plaquette de 22 p. (dont trois non-imprimées), format petit in-8º, 139 x 206, présente une introduction démarquant en partie celle de Donneau de Visé (p. 1-8), puis une longue «Liste de plusieurs choses pour lesquelles on peut s'adresser au Bureau de Rencontre, et qui seront mises sur les Registres, et imprimez dans les petits livres d'Avis» (p. 9-18, 46 rubriques recopiées de Renaudot et de Donneau de Visé).

S'il est légitime d'associer à toutes ces Listes le Journal de Colletet, on ne peut en faire autant pour les Affiches de 1716. Le 30 juillet 1715, l'avocat Jean Du Gono, sieur du Chablat, obtient un privilège de librairie afin de «donner au publicq par semaine, par quinzaine, ou par mois, les Affiches de Paris, des provinces, et des pays étrangers». Ces Affiches de Paris, des provinces, et des pays étrangers, précédées par un prospectus de 12 p. in-4º, 180 x 228, daté du 20 février 1716, paraissent sous un plus petit format (125 x 185) au moins jusqu'à leur nº IX (7 juil. 1716), dernier numéro connu (voir leur notice particulière). Même s'il est fondateur, puisqu'il va léguer aux feuilles d'annonces du XVIIIe siècle ce titre d'Affiches, le projet de Du Gono s'inscrit dans une toute autre perspective que celle du Bureau d'Adresse. Il ne s'agit nullement de diffuser les «avis» enregistrés par les particuliers auprès d'un Bureau établi pour cela. Du Gono n'a pas de Bureau où les recevoir. Ce n'est pas son projet. Il fait allusion au Bureau d'Adresse, mais sans reconnaître une quelconque dépendance par rapport au privilège de la famille Renaudot. Le recueil de ses Affiches «intéresserait plus de gens que la Gazette, et que le Journal des Sçavans, et ne serait peut-être pas plus mal reçû, que le Mémoire qu'on envoyait du Bureau d'Adresse, au commencement du dernier regne, et que l'Etat qu'on y donne encore aujourd'hui des Saisies réelles, ou plûtôt des certifications des Criées». Au vrai, le projet de Du Gono est une régression par rapport aux idées novatrices de Théophraste Renaudot, relayées par Donneau de Visé. Pressentant que la presse périodique serait un excellent support publicitaire, capable de concurrencer l'affichage mural, ce dernier avait appelé les particuliers à venir faire enregistrer leurs «avis» à son Bureau plutôt qu'à les faire afficher sur les murs de Paris. Pour Du Gono, il n'est point question de rivaliser avec les affiches murales. Ses Affiches se contenteront de les reproduire. Il «prie ceux qui feront faire des Affiches à Paris, ou ailleurs, de vouloir bien en envoyer un exemplaire à l'Imprimeur de ce Recueil, et d'en affranchir le port lorsqu'ils les envoyeront de province. Il ne manquera pas d'y insérer cet exemplaire». De rivale, la presse régresse au rôle de servante de l'affichage mural, même si Du Gono a quelques réflexions fort proches de celles de Donneau de Visé: «La vûë de ceux qui font poser ces Affiches, est qu'on les lise. Et c'est pourtant ce que ne font pas bien des gens. La bienséance ne permet pas à toutes sortes de personnes, de s'amuser au coin des ruës, pour y voir tout ce que leur présentent ces sortes de Placards. Les personnes qui sont en carrosse, ne sçauraient guéres s'y arrêter. Un Magistrat, ou d'autres personnes en robe, des Ecclésiastiques d'un certain rang, et bien d'autres d'un certain étage, ne seraient pas bien aises qu'on les vît grossir la foule de ces gens, qu'une nouvelle Affiche assemble ordinairement». Leur faciliter la lecture de ces affiches est le but que s'est fixé Du Gono. Pas de Bureau d'Adresse, pas d'enregistrement des «avis»: les Affiches de Paris, des provinces et des pays étrangers n'appartiennent pas à la famille des Listes d'avis du Bureau d'Adresse, ni non plus d'ailleurs à celle des Annonces, affiches et avis divers qui s'épanouira dans la seconde moitié du XVIIIe siècle.

Gilles FEYEL

 


Merci d'utiliser ce lien pour communiquer des corrections ou additions.

© Universitas 1991-2024, ISBN 978-2-84559-070-0 (édition électronique)